Depuis début décembre, je traverse des difficultés. Ces difficultés sont d’ordre privé. Par respect pour les autres personnes concernées, je ne peux pas vous en parler. Pour moi qui aime partager en ligne ce qui m’occupe l’esprit, cette impossibilité ajoute encore à ma peine.
Dans ces circonstances, mon travail a pris un nouveau sens. Je me suis toujours beaucoup impliquée dedans, mais ces derniers temps, il est devenu un moyen de me concentrer sur autre chose que mes difficultés personnelles. Au moins, sur ce front-là, j’ai une prise. Je peux agir, comprendre, rire, me sentir utile. Chaque séance de coaching, chaque livre lu, chaque rédaction de newsletter a une saveur particulière. C’est le propre des épreuves : elles vous font souffrir, mais vous font aussi vous sentir plus vivant. Vous savourez chaque joie plus intensément.
Ce travail, toutefois, est intellectuel. Lire, écrire, converser sont des tâches que je mène assise à mon bureau. Après ma course matinale de 30 minutes, je ne bouge plus de la journée.
Lundi, j’ai ressenti les limites de cette sédentarité. Le week-end avait été compliqué. Depuis plusieurs jours, en fin d’après-midi, j’éprouvais le besoin de bouger, sans trop savoir comment évacuer mon énergie. Dehors il faisait froid, et puis la nuit tombe vite en hiver et les environs de notre maison ne se prêtent pas aux balades.
L’idée du yoga a refait surface.
Si vous me suivez depuis longtemps, vous savez que j’en ai déjà fait. Quand on m’a découvert un cancer du sein en 2017, je me suis beaucoup appuyée sur le yoga et la méditation pour évacuer le stress lié à la maladie et aux traitements. À l’époque, avec ma tendance habituelle au tout ou rien, j’étais passée de la résistance à la curiosité avide. J’avais essayé des tas de cours.
J’avais finalement trouvé dans ceux de Lili Barbery l’apaisement, le défoulement, l’ouverture spirituelle qui me convenaient. Pendant une poignée d’années, le yoga a fait partie de ma vie, jusqu’à devenir une ressource majeure dans ma quête d’équilibre.
Et puis j’ai arrêté. Je me suis raconté que c’était par manque de temps. Au fond, je n’en sais rien. Je m’étais éloignée de l’enseignement de Lili, mais j’aurais pu chercher un autre professeur. Je ne l’ai pas fait. Parfois, on arrête même ce qui nous fait du bien, sans raison apparente. Je courais chaque matin, il me semblait que c’était suffisant en termes d’activité physique. Je ne méditais plus, mais j’écrivais mes « pages du matin » et je pratiquais la cohérence cardiaque. J’ai convenu avec moi-même que c’était suffisant en termes d’hygiène mentale. J’ai refermé le dossier.
Mais l’envie était toujours là. Quand, en vacances ou chez nous, je voyais mon amie Charlotte pratiquer, je trouvais que c’était dommage, quand même. Je lui demandais ses références de cours. Elle me transmettait des comptes Instagram, des liens YouTube, des noms d’applis. Je les perdais aussitôt, figée dans mon manque de courage. Je me répétais que je n’avais pas le temps, qu’un jour les conditions seraient plus favorables.
Pourtant, une question de James Clear, l’auteur d’Atomic Habits, me revenait sans cesse. « Devenez-vous le type de personne que vous souhaitez devenir ? », interroge-t-il dans son livre. Je ne devenais pas une personne qui fait du yoga, alors que non seulement je souhaitais le devenir, mais en plus, au fond de moi, j’étais convaincue de l’être déjà. Pour le moment je n’en faisais pas, mais j’allais finir par m’y remettre.
Lundi soir, j’ai décidé que c’était le moment. J’ai écrit à Charlotte, qui m’a aussitôt renvoyé ses recommandations. Je suis descendue à la cave récupérer mon tapis de yoga plein de toiles d’araignée. J’ai farfouillé dans mes placards pour retrouver ma tenue, toute fripée. Je me suis installée dans notre chambre, puis je me suis connectée à YouTube.
Un nouveau monde m’est apparu. Alléchée par la musculature de Benjamin Sears, j’ai commencé un Movement Snack de 30 minutes. À quatre pattes sur mon tapis, j’ai dû stopper la vidéo au bout de deux minutes, prise d’un fou-rire nerveux : je ne comprenais pas un traitre mot de ce que le bel Américain racontait. Je me suis rabattue sur une session de 20 minutes avec Charlie Follows. Son vocabulaire était moins technique, mais les postures impossibles à tenir. J’ai ri de nouveau, cette fois de ma naïveté : croyais-je donc vraiment que j’allais pouvoir débarquer dans n’importe quel cours et suivre les instructions comme si j’avais fait du yoga toute ma vie ?
Le lendemain soir, je me suis connectée au compte de La Maison du Yoga, seul lien en français de la liste de mon amie. Je n’avais qu’une demi-heure, j’ai cherché une vidéo courte. Je suis tombée sur une session avec Nadia Bourkhanova. Cette fois, le charme a opéré. Bercée par sa voix douce, ses explications claires, ses mouvements gracieux, je me suis laissé embarquer. J’étais rouillée, je n’avais plus de force dans les bras, le chien tête en bas m’était aussi inconfortable que dans mon souvenir, mais j’étais heureuse de renouer avec une myriade de sensations oubliées. D’humer de nouveau l’odeur bizarre de mon tapis, de m’asseoir sur mes ischions, de m’étirer, de chercher mon équilibre. J’étais nulle et ce n’était pas grave, personne ne me voyait.
Les larmes m’ont prises par surprise. C’était la fin, je me détendais dans la posture de l’enfant. Soudain, les digues ont cédé. Des strates et des strates d’émotions contenues sont remontées, d’abord doucement, puis de plus en plus incontrôlables. J’avais très peu pleuré en deux mois. Sans m’en rendre compte, j’avais « tenu ». Je me suis souvenu que c’était d’abord cela que je venais chercher dans le yoga, avant : un moyen de dénouer les tensions, d’ouvrir les vannes, d’évacuer un maelström d’émotions aussi encombrantes qu’insoupçonnables. J’en retirai un apaisement ineffable. Et je m’étais privée de tout cela.
Le lendemain, puis le surlendemain, j’ai refait le même cours. Sans rire ni pleurer, simplement heureuse de ressentir l’énergie circuler plus librement dans mon corps.
Continuerai-je ? Je ne sais pas. On verra, un jour après l’autre.
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Merci pour cette jolie newsletter qui résonne avec l'aspirante yogi que je suis. Mais je manque cruellement de discipline. Pourtant j'ai trouvé une prof inspirante sur Youtube dont je souhaite partager le travail. Il s'agit de Marie de la chaine les choses sauvages. Depuis plus d'un an, chaque jour, elle propose une séance de 20 minutes de yoga. Certaines séances ne sont pas évidentes mais sa guidance est toute douce.
Le yoga me porte aussi en ce moment...
Je ne peux que te conseiller en ressources gratuite la chaine d'Ariane, yogacoaching et Cam's Yoga.
Bonnes retrouvailles avec la pratique 🙏