
« Je suis très désorganisée, j’admire ta rigueur. »
« Je n’ai pas ta volonté. »
Quand on me dit ce genre de phrases, j’ai envie de répondre : Si vous saviez comme je ne suis pas toujours rigoureuse, comme ma volonté a ses limites !
C’est le cas ces jours-ci. Alors que d’habitude, je vous liste en fin de mois mes derniers micro-changements, en ce 27 juin, je n’ai rien à déclarer. Pas de progrès notable. La fatigue et les dossiers à boucler avant les vacances ont eu raison de mes tentatives d’évolution.
Plutôt que de m’en vouloir, j’ai envie de me laisser flotter. M’autoriser à faire du sur-place. Observer ce qui résiste, en dépit de mes multiples tentatives. Sans forcément parvenir à comprendre ce qui coince. Car on veut croire au progrès, mais peut-on progresser en tout ? L’un de mes plus grands apprentissages cette année est que le déséquilibre est mon mode par défaut. Comme tout le monde, je continue de rechercher l’équilibre, mais je ne me fais plus d’illusions, je sais que cet équilibre constitue l’exception, le moment de grâce qui ne dure pas, à savourer comme tel. En particulier dans certains domaines…
La nourriture
Mon déséquilibre chronique. Ma croix, ma faiblesse, ma montagne de Sisyphe, ma part d’ombre. Il y a bien des moments de rémission durant lesquels mes voix intérieures me laissent tranquille, mais tôt ou tard la compulsion ressurgit. J’ai longtemps cru que j’en viendrais à bout, qu’une solution existait, que la libération était au bout du chemin.
La maturité m’a appris à revoir mes ambitions : j’apprends à faire avec. Je teste des parades, des petits arrangements avec moi-même. En général, ça finit par échouer, mais je persévère, encore et encore. Je continue d’y croire, sans trop savoir pourquoi, peut-être parce que je ne vois pas comment faire autrement. L’une d’entre vous, il y a quelques mois, m’a confié qu’elle souffrait d’hyperphagie. « Je ne comprends pas comment je peux continuer à faire quelque chose que je sais que je vais regretter après », m’a-t-elle écrit. Moi non plus.
De l’extérieur, on ne peut imaginer la fatigue décisionnelle qu’engendre un trouble du comportement alimentaire. Quand je suis stressée ou fatiguée, la question « Et si tu mangeais ci ou ça ? » peut surgir 10, 20, 50 fois dans la journée. Résister requiert une énergie considérable. Certains jours, j’y arrive 49 fois. Comme hier, quand je suis restée stoïque face à l’appel du croque-monsieur de la voiture bar de mon TGV Paris-Montélimar. J’étais fière de moi, mais je n’avais pas prévu qu’à la maison m’attendraient les premières figues du jardin. Je me suis d’abord dit que je n’en goûterai qu’une, mais elle était trop bonne pour que je m’arrête là. J’ai englouti le saladier, comme je le fais chaque été.
Les livres
J’en lis plus qu’avant, mais je continue d’en acheter trop, de ne pas les finir, de ne même pas les ouvrir parfois. Là encore, j’ai tenté des tas de ruses à coups de listes et de règles d’achat, sans succès. Les libraires sont et restent mes dealers, je vis entourée de livres dont je ne lirai souvent qu’une fraction.
Peut-être faudrait-il que j’accepte que je suis une butineuse. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est ouvrir un livre et le lire jusqu’à ce qu’un passage me foudroie par sa beauté, sa puissance ou sa résonnance avec ce que je suis en train de vivre. Alors j’interromps ma lecture, je contemple, je souligne, je recopie, je relis jusqu’à m’en imprégner complètement. Le processus me procure un tel frisson que j’éprouve rapidement le besoin de le retrouver dans un autre ouvrage, plus nouveau, plus surprenant ou simplement différent.
Les photos dans mon téléphone
J’ai cru des années que j’aurai la discipline de trier mes images au fur et à mesure. Aujourd’hui, je me contente de mettre des cœurs aux meilleurs clichés pour pouvoir les retrouver plus facilement. Et encore, quand j’y pense, quand j’ai le temps. J’ai de nouveau des mois de retard sur mes tirages papier, l’album 2025 n’est pas commencé. Je sais tout ce que je pourrais faire pour moins polluer, mieux ranger. Mais voilà, ça bloque, et le chaos règne.
Le yoga
Je croyais avoir trouvé le bon prof, le bon moment dans la journée, la bonne routine. C’était compter sans mes résistances internes, inconnues de moi-même mais bien présentes. La chaleur de l’été n’a rien arrangé. Parviendrai-je à m’y remettre un jour ? Je ne sais plus, je ne me projette plus. C’est le problème avec les zones de résistance : elles sèment le doute, on ne sait plus trop ce que l’on est, ce que l’on veut, ce que l’on aime. Autant accepter de se laisser dissoudre dans l’incertitude.
Me coucher tard
J’aime ritualiser mes journées, suivre un planning, faire chaque jour la même chose à la même heure. En tant qu’indépendante, j’ai besoin de ce cadre pour me concentrer sur ce que j’ai à faire. Les journées ordinaires, ça roule. Et puis, tout à coup, sans crier gare, un soir, je m’échappe. La fraîcheur du jardin, le ciel étoilé, la conversation de Mark me retiennent sur la terrasse. Je laisse filer l’heure et les obligations. Je discute et je guette les étoiles filantes. Je reprends ma liberté.
Merci pour la lumière sur ces zones de résistance. Elle est précieuse parmi tous ces coachs de vie et leur « si on veut, on peut ».
Et si, justement, accepter ses zones de résistance, sans chercher forcément à leur résister, était la clé de la liberté ? Parce que le faite de ne plus leur résister, les dépouille du côté compulsif, qui lui, peut être source de problème.
J’ai moi aussi des zones de résistance qui ressurgissent, me coucher tard,me goinfrer de bonbons, Haribo. Mais depuis que j’ai cessé de m’interdire de le faire, eh bien je ne le fais quasiment plus.
Je te souhaite un bel été