J’ai eu du mal à me remettre de mon retour de voyage en Inde. Ça allait au-delà du décalage horaire. J’étais désorientée. J’avais quitté un quotidien structuré par mes habitudes pour vivre autrement, intensément, quinze jours durant. Mon corps peinait à retrouver ses marques. Mon esprit questionnait chaque routine. Avais-je vraiment besoin de recommencer à me lever à 5h, à faire mes comptes, à suivre un emploi du temps, à ne pas manger tout ce qui me faisait envie ?
Dans le doute, je me suis laissé flotter. Je suis partie trois jours à Paris. Bien que fort joyeuse, cette nouvelle échappée n’a rien arrangé. Je suis revenue à côté de moi-même. Fatiguée, déprimée, le ventre en vrac. Plus jeune, je m’en serais voulu. Je me serais trouvée faible. Je me serais rudoyée pour me remettre en selle. Mais je vais avoir 48 ans. Je me connais. J’ai vécu ces passages à vide des centaines de fois. Je sais que la meilleure façon pour moi de remonter la pente en pareil cas, c’est la douceur.
Une douceur qui commence par le geste. Comme un petit enfant qui fait ses premiers pas, je dois réapprendre à marcher. Faire un reset. Pour dissiper mon anxiété, mes vieux réflexes, mes fausses croyances, je m’applique à remettre de la conscience dans chaque mouvement de mon quotidien. Revenir au ras des choses m’extrait du pilotage automatique et des ruminations.
Loin d’être naturel, ce processus requiert, chez moi, une attention soutenue. Je suis programmée pour être efficace, rapide, productive. J’en ai gardé une forme de brusquerie. « Poussez-vous, je n’ai pas que ça à faire. » Je jette les cuillères dans l’évier, je me cogne aux tables, j’arrache les emballages. Ces comportements sont si insignifiants et si répandus qu’autour de moi on les remarque à peine.
Pourtant, la semaine dernière, un épisode a remis les choses en perspective. J’étais en banlieue parisienne, j’attendais mon tour chez le psy. Son cabinet est dans un appartement, qu’il partage avec un confrère. Arrivée en avance, je suis passée aux toilettes, puis me suis rendue dans la salle de bain pour me laver les mains. En sortant, dans le couloir, je me suis retrouvée nez à nez avec l’autre psy, furibond. « Pouvez-vous faire moins de bruit ? », s’est-il enquis, visiblement excédé. Je l’ai regardé, bouche bée. L’appartement, typiquement seventies, est plutôt exigu et mal insonorisé. Je l’ai prié de m’excuser, réfrénant un fou rire face au comique de la situation. De retour dans la salle d’attente, j’aurais pu estimer qu’il exagérait et oublier l’incident. Mais j’étais chez mon psy, j’ai préféré décortiquer ce qui venait de se passer : comme chez moi, comme partout, j’avais claqué les portes sans y penser, sans me rendre compte que cela gênerait les autres. Ce n’était pas grave, mais j’ai réalisé à ce moment-là qu’une autre voie était possible. Que refermer doucement une porte pouvait non seulement ménager les autres, mais me faire du bien à moi aussi. Parce que la douceur est contagieuse. Refermer une porte délicatement, c’est me traiter moi-même délicatement.
Le livre Vivre, de Mihaly Csíkszentmihályi, m’aide à me concentrer sur de tels détails, car pour cet auteur, la maîtrise de l’expérience intérieure a plus d’importance que les conditions externes. Je vous parle beaucoup de Mihaly en ce moment car ce psychologue légendaire a théorisé le flow, sujet de mon prochain atelier. Or cet état de bien-être nous permet de donner le meilleur de nous-même dans une activité, mais peut aussi se cultiver à l’échelle d’une vie entière. L’un des moyens d’y parvenir est de définir un projet de vie personnel qui ait suffisamment de sens à nos yeux pour nous donner le courage de persévérer en dépit des difficultés.
Un soir, j’en ai discuté avec Mark. Mon projet de vie tournait autour de l’écriture, quel était le sien ? « Avoir une vie douce, m’a-t-il répondu. Je suis un hédoniste. J’aime mon travail, mais le soir, le week-end, je veux profiter de mon temps libre pour lire, écrire mes histoires, prendre soin de mon jardin, passer du temps en famille. Je refuse toute forme d’agressivité. Je veux être tranquille. » Je me suis dit que ça m’allait aussi. On a trinqué à notre douceur de vivre ensemble.
Atelier “Trouver son flow pour créer dans la joie” mercredi 13 mars de 19h à 20h30 sur Zoom
J’ai longtemps cru que les grands artistes étaient animés d’une inspiration surnaturelle. Créer dans la fluidité me semblait réservé à quelques-uns.
La découverte des travaux sur le flow de Mihaly Csíkszentmihályi m’a permis de changer de regard. J’ai compris que créer relève moins de la magie que de conditions à réunir.
Cet atelier a pour but de vous présenter ces caractéristiques et de vous faire part de mon expérience afin que vous accédiez, vous aussi, plus facilement au pouvoir du flow.
Programme complet et inscription sur mon site.
Le tarif de 42€ vous donne accès :
Au live
Au replay permanent
Au support écrit
Au groupe WhatsApp reliant les participants
À une rencontre à Paris le 21 mars 2024.
Envie d’en savoir plus ? Rendez-vous lundi prochain, le 11 mars à 19h sur mon compte Instagram, pour un live spécial flow.
Samedi 16 mars à 15h30, rencontrons-nous au Salon La Vague des Livres de Villefranche-sur-Saône
Je suis invitée à venir parler de mon livre L’âge bête, paru en 2022 aux éditions Robert Laffont. J’évoquerai le rapport à l’adolescence, l’illusion des souvenirs et le processus de l’écriture introspective. L’entrée est libre et gratuite. Ça me ferait très plaisir de vous y voir !
Plus d’informations sur le programme ici.
Bonjour chère Géraldine,
Je vous suis depuis de nombreuses années, sur votre blog, j'ai lu vos livres, vos newsletters, nous avons même échangé des idées à propos de la période qui suit un cancer du sein, etc.
Aujourd'hui, à la lecture de votre réflexion sur l'apprentissage de la douceur, légitime et qui vous appartient, j'ai ressenti un vif agacement et je crois que j'ai besoin, moi aussi, de vous le dire, libre à vous d'en faire des choux et des pâtés ... Je me suis lassée du nombrilisme et de l'égocentrisme de vos écrits. Je sais que je suis libre d'aller voir ailleurs (ce que je ferai peut-être) mais je pense que, sans faire de la psychologie à quat'sous, la générosité, une disponibilité aux autres, par exemple, sont des moyens d'atteindre une forme de sérénité, de relativiser ce qui nous arrive... et d'avoir moins besoin de claquer les portes ...
Bien à vous, Marie-Claire
Merci Géraldine. Cette manière de décortiquer ta vie, tes sensations, tes pulsions, cette honnêteté partagée m’aide à percevoir ma vie, mes sensations, mes pulsions, m’aide à être plus honnête avec moi-même. En fait j’avance à l’aveugle de mon côté. Je pensais être une « penseuse » mais finalement pas tant que ça. Je me rend compte que je suis plutôt adaptative. J’ai oublié le nom de la personne entendue dans un podcast qui appelait ça l’intelligence situationnelle.. bref tout ça pour dire que je me dévalorisais un peu en pensant que je manquais de préparation, que je manquais d’ambition, que je manquais d’exigence. Mais finalement comme Mark j’apprécie ce que je fais mais surtout comme je le fais. Je prends mon temps. J’accepte ma lenteur et ce besoin de faire en conscience. Ce que je pensais être de la procrastination c’est plutôt de la douceur ! Dans la mesure du possible je choisis de faire que ce que je sais que je vais faire en pleine présence et avec joie. Même la paperasserie ! Je trouve un moment où je suis mieux disposée et où finalement tout se déroule plus facilement. Évidemment je suis parfois en retard. Mais j’accepte maintenant ce qui m’était invivable avant. Et je me rend compte que ça passe. Le faire au bon moment me fait gagner du temps et surtout du bon temps. Je suis plus efficace dans ma tâche et en plus j’ai pu apprécier chaque instant. Alors merci à vous deux d’avoir éclairé cette philosophie de vie. Vive la douceur et la tranquillité d’esprit et de corps puisque physique et psychique vont de paire on le sait bien ☺️