Vouloir être désirable
Je ne me posais plus la question, jusqu'à ce qu'une amie soulève le sujet.

« Jusqu’à quand je peux être désirable ? » Quand une amie - de 49 ans, comme moi - m’a fait part de ce questionnement récurrent, j’ai été surprise. Pas qu’elle se pose la question, mais que moi, je ne me la pose plus.
J’ai consulté le Larousse.
« Désirable
1. Que l’on peut désirer, souhaiter : il présente toutes les qualités désirables.
2. Qui fait naître des désirs sexuels : elle est très désirable. »
Dans l’esprit de mon amie, la connotation était sexuelle. Elle voulait continuer de faire naître le désir, chez son compagnon et chez les hommes en général. Elle voulait rester désirable, mais plus elle avançait en âge, plus elle se demandait quand elle « passerait de l’autre côté », du côté des vieux qui n’excitent plus.
Cette question, je me la suis énormément posée, plus jeune. Ado, j’étais obsédée par l’idée de sortir avec un garçon. Et pour sortir avec un garçon, il me fallait séduire. C’était ce que les magazines féminins m’enseignaient, ce que mes copines m’expliquaient, ce que je voyais dans les films, les publicités à la télé, les affiches dans la rue, partout. Au début des années 90, être épanoui sexuellement semblait si crucial que les modes d’emploi ne manquaient pas. J’étais docile, influençable et désespérée, je n’ai pas bronché. J’ai testé l’attirail recommandé, les mini-jupes, les rouges à lèvres, les talons, souvent les trois en même temps. J’ai essayé de me conformer aux attitudes requises. Mais plus j’essayais, moins ça marchait, comme tout ce que l’on veut trop. Dans ce que Virginie Despentes nommerait plus tard « le grand marché à la bonne meuf », je ne trouvais pas ma place.
J’ai eu ma première relation sexuelle tardivement. Je suis restée longtemps célibataire. Quand les choses se sont décoincées, j’ai joué avec les codes en vigueur pour rattraper le temps perdu. C’était le début des sites de rencontres, je me suis beaucoup amusée. J’ai vu l’effet qu’une robe rouge, qu’un regard langoureux pouvait déclencher chez l’autre. J’étais enfin désirable. J’en ai tiré une grande jouissance.
Rencontrer Mark m’a fait changer de dimension. J’ai réalisé que le désir pouvait naître d’une infinité de gestes, d’attentions, de détails, de situations. Au fil des ans, nous avons appris à nous nourrir du désir de l’autre, d’une manière qui n’appartient qu’à nous. Cette relation exclusive, sécurisante, transformatrice m’a tellement apaisée que la question d’être désirable est devenue un non-sujet. Dans l’intimité, mon amoureux me témoigne suffisamment de désir pour que je me sente bien. À l’extérieur, les regards des autres hommes me sont devenus indifférents. Je n’ai pas besoin de susciter leur désir pour exister. Je m’accommode même très bien du fait qu’avec l’âge, la question de la séduction s’estompe. Les échanges sont moins ambigus, plus directs et plus vrais.
Est-ce que ma perception serait différente si j’étais célibataire aujourd’hui ? Certainement. Mark m’apporte une confiance en moi inestimable. Son désir physique allume le mien, me fait me sentir vivante. Tout cela agit comme un baume sur ma nature inquiète. Sans lui, j’aurais probablement besoin d’aller chercher chez quelqu’un d’autre ce désir structurant.
Mais je ne suis plus non plus la jeune fille mal assurée que j’étais lorsque nous nous sommes rencontrés. Une longue psychothérapie (toujours en cours) m’a aidée à me libérer de mon perpétuel besoin de validation. Plutôt que de guetter le regard de l’autre, j’ai appris à m’appuyer, d’abord, sur mon propre désir. À le sonder, le connaître, le laisser me guider. En chemin, j’ai découvert que ma libido pouvait prendre d’autres formes que le désir sexuel. Sublimée, mon énergie vitale s’exprime dans ma curiosité, mon écriture, mon métier, mes relations humaines - dans mon appétit aussi, même si par moments je me passerais bien de cette voracité-là. Un tel déploiement contribue encore à alléger ma dépendance à un désir purement sexuel.
Ça tombe bien, car je n’ai plus non plus le même corps que lorsque j’ai rencontré Mark à 27 ans. Le mien recherche désormais davantage les caresses, la tendresse, les baisers que le coït. Plus jeune, un tel constat m’aurait affolée, tant j’étais convaincue qu’une activité sexuelle régulière était nécessaire à mon équilibre. Aujourd’hui, je ne m’en formalise plus. Cette moindre appétence s’accompagne d’une sensibilité générale accrue, d’une connaissance de mon corps plus subtile. Je ne me suis jamais sentie aussi désirante. Ça me paraît déjà pas mal.
Replay de mon atelier Oser se montrer sur les réseaux sociaux
Mercredi dernier se tenait le live de mon dernier atelier.
Il avait pour but de vous aider à faire la paix avec votre image.
Merci à celles qui l’ont suivi et qui ont ensuite amorcé un déferlement d’autoportraits dans le groupe WhatsApp Matières à réflexion. Ça m’a tellement émue que j’en reparlerai dans ma newsletter de dimanche.
Le sujet vous intéresse ? Le replay est disponible sur mon site :
Programme de l’atelier
Comprendre pourquoi il est si difficile de se montrer
Se montrer, c’est se libérer
Commencer par faire des photos pour soi-même
Mon témoignage en images : comment ça s’est passé pour moi
Quelques bonnes raisons de se photographier
En finir avec la question de la photogénie
Dépasser l’étrangeté de sa propre image pour devenir son propre matériau
Conseils pratiques pour un autoportrait réussi
Mes recommandations pour montrer son autoportrait sur un réseau social
Action ! L’atelier se poursuit dans le groupe WhatsApp.
Informations pratiques
Tarif 43€
Satisfaite ou remboursée
L’achat vous donne accès :
Au replay d’1h30
Au support écrit
Au groupe WhatsApp reliant les participantes.
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Qui suis-je ?
Vous venez de découvrir ma lettre ? Bienvenue ! Je m’appelle Géraldine Dormoy, je suis journaliste et coach digitale.
J’écris cette newsletter, De beaux lendemains, deux fois par semaine. Celle du vendredi, sur mon humeur du moment, est gratuite. Celle du dimanche, sur des ressources qui me nourrissent, est payante (6€/mois, 5€ avec la formule annuelle).
J’organise aussi des ateliers en ligne pour mieux se connaître.
Depuis 2021, j’habite dans le sud de la France, à Montélimar, avec mon mari Mark Tungate et notre fils Gustave. Avant, j’habitais près de Paris. J’ai été 10 ans journaliste à L’Express, j’ai aussi collaboré au magazine Marie Claire et écrit deux livres : Un cancer pas si grave et L’âge bête.
Eh ben c'est bien courageux de dire tout ça et aussi simplement. Je suis plus vieille que toi, 56 ans, alors imagine un peu le trauma ahaha!! 49 ans, pff... Je connais bien le désir de validation, j'espère avoir choisi un bon validateur, en mes pénates, après des années de célibat (comme toi), une psychothérapie (comme toi mais finie, du moins arrêtée depuis x années). On a deux enfants qui ont un pied vers l'extérieur, time is running, et on se dit parfois, ça va pas être facile de se retrouver tous les 2 tous seuls (ma vieille). M'enfin, il paraît que le couple est constitué de multiples piliers, je suppose qu'il y en aura bien quelques-uns qui tiendront bon et feront qu'on continue à se trouver (globalement, généralement) désirables... Merci de ton post, il est clair, honnête et touchant! En un mot désirable ahahaha....
A 59 ans, je suis un peu dans la même situation que Papon, et comme elle, j'ai la chance d'avoir trouvé un bon valideur. J'ai vu The Substance hier soir, terrible fable sur la peur de vieillir, le désir de plaire encore (mais aussi de travailler), et j'ai surtout été terrifiée par le personnage de Sue, son corps objectivé, cette bouche (pardon.. "à pipe") répétée à l'infini sur les écrans. Discutant du film avec mon fils de 26 ans, la conclusion s'est imposée : je n'ai plus du tout envie de séduire en interpelant le désir sexuel d'autrui. Plus question de remettre une mini jupe, un jean slim, des talons trop hauts, du gloss qui colle, et je ne parle pas du porte jarretelle ou de la guêpière qui faisaient encore fantasmer voici trente cinq ans (peut-être encore aujourd'hui, je ne sais pas!). Accueillir les compliments est toujours un plaisir, et j'essaie de veiller à mon apparence, mais avec plus de franchise et d'honnêteté, en quelque sorte. Quant à mon garçon de 26 ans, la question de la séduction est au cœur de beaucoup d'interrogations et de doutes, et me rappelle la vulnérabilité de ma propre jeunesse... Merci Géraldine pour ce post passionnant !