« Si on veut être un bon créateur, il faut se pencher sur la matière », m’a dit Nelly Rodi récemment. À 80 ans, la fondatrice du bureau de style éponyme vient de publier ses mémoires, Quelques saisons d’avance, aux Éditions Bouquins. Son livre m’a replongée dans mon adolescence. J’étais passionnée par les bureaux de style. Je voulais devenir « dénicheur de tendances » comme Vincent Grégoire.
Le livre de Nelly Rodi permet de traverser le temps, mais quand j’ai eu la chance de l’avoir au téléphone, on a aussi parlé du présent. Je voulais connaître son regard sur le monde d’aujourd’hui. Elle n’est pas sur les réseaux sociaux. « Je ne suis pas passée à l’ère du digital », m’a-t-elle dit, s’excusant presque. Elle craignait que je la trouve ringarde.
Tout au long de notre conversation, c’est au contraire sa fraîcheur qui m’a frappée. Une fraîcheur maintenue intacte précisément grâce à son goût du terrain. « Sortez ! » nous lance-t-elle dans son livre. « Soyez curieux ! »
Elle a aussi, donc, insisté sur l’importance de la matière. Elle trouve qu’aujourd’hui, les étudiants en mode parlent davantage de la forme. Mais pour elle, la matière est première. « C’est le tombé d’une soie qui donne le déclic. » Elle a aussi insisté sur l’importance de la couleur, à apprécier à la lumière du jour car « sur un écran, les nuances ne sont pas les mêmes ». J’ai repensé au pull rose et rouge que Katia Sanchez m’a offert, aussi gai, moelleux et réconfortant qu’un fraisier.
Les propos de Nelly Rodi continuent de résonner en moi, au-delà des vêtements. Les technologies actuelles sont devenues si puissantes qu’elles tendent à nous faire perdre le sens des réalités. Je vous en parlais déjà la semaine dernière : c’est en m’éloignant des écrans que j’ai pu retrouver le plaisir de la lecture. Un plaisir non seulement intellectuel mais physique. Je n’ai jamais pu me mettre à la liseuse. J’aime toucher le papier, souligner des passages au crayon, tenir le volume dans ma main, l’emporter partout avec moi – tant pis si c’est lourd. Mon lien aux livres est charnel jusqu’au fétichisme. Sur écran, les mots n’ont ni la même saveur, ni la même portée. Rien ne vaut des mots ancrés – encrés ! – dans la matière.
Je m’en suis encore plus rendu compte depuis qu’avec une amie, on a décidé de s’écrire des lettres. De vraies lettres manuscrites, comme quand on avait 15 ans. Notre amitié était au bord de la rupture. On ne se comprenait plus. Et puis on n’en pouvait plus de WhatsApp, du temps que cela nous prenait, des interruptions incessantes, de l’immédiateté piégeuse. On avait envie de retrouver de la distance pour tenter d’y voir plus clair entre nous.
Dès les premières missives, on a su qu’on était dans le vrai. Je prends un plaisir infini à choisir mon papier à lettres et mes timbres, à sanctuariser dans le week-end un moment d’écriture, à remplir des pages et des pages à la plume, à me rendre à la boîte aux lettres, puis à attendre une réponse, à m’en remettre aux aléas de la Poste, à guetter le vrombissement du scooter du facteur comme quand j’étais enfant et que j’entretenais une correspondance avec ma cousine Stéphanie. Je retrouve l’effort, l’excitation, le temps long, le caractère quasi sacré de l’objet quand il m’arrive enfin. Une lettre ne peut contenir autant de mots qu’une conversation. Ce qu’elle fixe sur le papier n’en a que plus de poids. Une lettre convoque un imaginaire, se relit, se conserve comme une relique.
« La modernité extrême me paralyse, m’a écrit cette amie. En facilitant tout, on a créé un univers où le sens n’a plus le temps de s’incarner. »
Il ne tient qu’à nous de changer nos pratiques, de les rendre à nouveau tangibles. Mais cela implique de lutter contre des vents contraires. Des vents parfois si forts que l’on frôle le point de non-retour. J’ai beau me répéter que je veux mettre à jour mes albums photos, j’ai toujours mieux à faire. J’ai beau adorer lire la presse quotidienne sur papier, je n’ai plus acheté un journal depuis des années.
S’ancrer dans la matière est devenu un luxe. D’ailleurs, les matières premières n’ont jamais été aussi chères. On peut le regretter. Je préfère me dire que ça n’est pas plus mal. Que cela m’oblige à choisir, à faire moins, à me concentrer sur l’essentiel. La matière a un prix : c’est ce qui la rend si précieuse.
Tables rondes « Mieux vivre un cancer du sein »
À l’occasion d’Octobre Rose, je vais animer deux talks pour Marie Claire, en partenariat avec les hôtels MGallery.
Le premier talk se tiendra à La Défense le vendredi 6 octobre, de 19h à 20h. Je donnerai la parole à Delphine Hequet, chirurgien cancérologue à la Clinique Saint Jean de Dieu, ainsi qu’à Julia Ealet, guérie d’un cancer du sein triple négatif, et à sa maman Isabelle, qui a elle-même traversé un cancer du sein il y a 7 ans.
Le second talk se tiendra à Cannes, le lundi 9 octobre, de 19h à 20h. Je donnerai la parole à Laurence Berg, psychologue clinicienne fondatrice de l’ASSO Cannes, ainsi qu’à Florence, également guérie d’un cancer du sein, et à son mari Bruno, qui l’a accompagnée durant la maladie.
Ces événements sont ouverts au public. Vous pouvez vous inscrire en suivant ce lien - attention, le nombre de places est limité. Je serais très heureuse de vous y rencontrer – un cocktail est prévu à la suite de chaque table ronde !
Replay de mon atelier Quelles images pour affirmer son identité sur Instagram ?
Mercredi dernier, je tenais sur Zoom un atelier d’1h30 afin de vous aider à transposer votre univers en photos et en reels.
J’y ai notamment expliqué comment :
- Définir l’identité et les piliers de contenu de son compte Instagram
- Partir de soi pour trouver son style
- Nourrir une exigence esthétique
- Connaître les règles d’Instagram
- Passer à l’action.
Intéressé.e ? Vous pouvez acheter le replay permanent (38€) en suivant ce lien.
Vous aurez alors également accès au support du cours et au groupe WhatsApp reliant les inscrites.
Et la version audio de cette newsletter ? Je suis désolée, en dépit de tous mes efforts, Substack refuse mes enregistrements. J’espère que le bug sera bientôt réparé.
Bon week-end,
Géraldine
Cette semaine, l’émission « Grand Bien vous Fasse » sur Inter faisait intervenir des spécialistes sur les pistes pour donner envie de lire aux enfants. La lecture sur papier était présentée comme la base. J’ai découvert avec effarement que les ouvrages phares de la Bibliotheque Rose de nos enfance avaient été réécrits pour être simplifiés et qu’ils en devenaient simplistes, pauvres en vocabulaire. De quoi faire retourner Enid Bliton dans sa tombe. Je recommande l’écoute de cet épisode.
Ça me parle tellement !
Je me souviens d un exercice à l IFM qui s appelait « la boîte ». On nous avait demandé de présenter quelque chose d intime de nous, qui nous tenait à cœur. C était en petit groupe. J avais pris avec moi différents objets que j aimais pour leur matière et le souvenir qu ils évoquaient en moi. Et j avais demandé à tout le groupe de se couvrir les yeux pour découvrir ces objets uniquement par le toucher.
La texture, le toucher et le poids …ça me parle tellement
Merci pour cette lettre Géraldine