Elle était là avant nous. Quand nous avons emménagé dans notre maison de Montélimar, il y a trois ans, cette chatte nous a vite fait comprendre que nous occupions son territoire. Le jour, elle se postait devant une porte-fenêtre et miaulait pour qu’on lui ouvre. La nuit, elle dormait au pied des rosiers. Fou de matous, notre fils Gustave, 10 ans à l’époque, passait ses journées dans le jardin à lui faire des papouilles. Il tentait régulièrement de nous convaincre de la laisser entrer, mais nous lui opposions l’argument suprême : Mark, son père, était allergique.
Le manège a duré six mois. Même au cœur de l’hiver, même face à ses airs de duchesse outragée, j’ai tenu bon. Ce chat, je n’en voulais pas. Le laisser entrer, c’était la porte ouverte à toutes les fenêtres, comme dirait Gad. Mark s’étoufferait et moi je serais ensevelie sous les poils à nettoyer et la litière à changer. Les chats, j’avais donné, merci bien. Le dernier, en particulier, m’avait laissé un souvenir amer. Au début des années 2000, célibataire à Paris, j’en avais adopté un, déjà adulte, pour me tenir compagnie. Je l’avais baptisé Max, parce que Ma(r)x Dormoy, ahah. Je n’avais pas rigolé longtemps : à l’étroit dans mon studio, il s’était transformé en Max la Menace, miaulant dès qu’il n’était pas sur mes genoux, s’échappant par la fenêtre à ses risques et périls. À l’arrivée de Mark, mes parents avaient gentiment accepté de le prendre avec eux, dans leur maison de banlieue, même s’ils avaient déjà leur propre chat, Chuck. Max, mâle dominant, avait alors fait vivre un enfer à ce pauvre Chuck, qui mourut prématurément. 20 ans après, je me sentais encore coupable. Un chat ? Même pas en rêve.
Et puis Mark est tombé amoureux. Je ne sais pas comment Mika s’y est prise, mais un jour, au printemps, j’ai réalisé qu’elle se l’était mis dans la poche. Sur la terrasse, il passait de longs moments à la caresser sans que cela ne déclenche le moindre éternuement. Un miracle. Lui qui n’avait jamais eu de chat a soudain découvert l’amour inconditionnel, la tendresse, les facéties dont ces félins sont capables lorsqu’ils l’ont décidé.
En mai 2022, le jour de l’anniversaire de Gustave, j’ai cédé, et Mika est entrée dans notre vie. Mark avait appris qu’elle appartenait à une voisine qu’il croisait tous les jours à la piscine. Fataliste, cette dame a accepté le départ de son chat avec bienveillance. Elle nous a transmis le carnet de santé de Mika, et nous en sommes devenus les propriétaires officiels.
Depuis, nous sommes quatre. « Il n’y a que deux femmes dans ma vie, Géraldine et Mika », a lancé Mark à son fils la semaine dernière. Gustave m’a regardée d’un air entendu : sous l’humour, nous savons lui comme moi que c’est bien d’amour qu’il s’agit. Il l’accepte sans jalousie, conscient que cet animal vient combler chez son père quelque chose de mystérieux que ni lui ni moi ne pouvons lui offrir.
Avec le temps, je reconnais que je me suis moi aussi attachée à elle. Quand je fourre mon nez dans ses poils, son odeur de linge frais me rappelle celui de Sunset, le persan-angora de mon enfance. Quand je la regarde, dormant comme une bienheureuse pendant que je m’agite à essayer de bosser, je me dis que les humains sont bien compliqués. Elle m’aide à relativiser. Tout n’est pas si grave, la preuve, Mika prend un bain de soleil. Gustave, quand il rentre de l’école, ne manque pas non plus de réagir à sa vue. « Des croquettes et pas de devoirs, quelle vie ! », constate-t-il avec une pointe d’envie, avant de traîner son sac jusque dans sa chambre. Je ne sais que lui répondre, je pensais déjà la même chose à son âge.
On a appris à vivre ensemble. Au début, la nuit, je fermais à Mika l’accès à notre chambre. J’avais envie de dormir tranquille, sans une machine à ronronner à côté de moi. Elle miaulait derrière la porte. Mark me trouvait cruelle. Je lui répondais qu’elle finirait par s’y faire. Jusqu’à ce qu’une amie m’informe qu’un chat ne se dresse pas. Mika ne changerait pas, c’était à moi de m’adapter. J’ai lâché. Depuis, on dort la porte ouverte. Elle nous réveille, on se rendort. Les chats, c’est comme les enfants : on démarre avec plein de grands principes que l’on abandonne au fur et à mesure.
Oserai-je vous parler de la nourriture ? Quand Mika a déboulé chez nous, c’était un jeune chat européen de 2 ans, à la silhouette menue. Sans trop se poser de questions, on a pris l’habitude de lui laisser un grand bol de croquettes en libre-service. Un jour, mon neveu a ri en la voyant : c’était devenu une boule. Depuis, on la rationne. Je me sers de la même balance pour peser ses croquettes et mon quinoa. Évidemment, dès que j’ai le dos tourné, Mark lui en rajoute une louchée.
En vacances, au bout de trois jours, Mark devient nerveux. Je n’ai même plus besoin de lui demander pourquoi. Mika lui manque. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Et si elle était retournée vivre chez son ancienne maîtresse ? Et si elle ne revenait plus ? Elle nous donne une bonne raison de rentrer, et de reprendre notre vie à quatre.
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Il n'y a pas d'amour plus fort qu'entre les chats et les hommes qui n'en voulaient pas :) Mon mari est pareil, il adore les animaux, mais trouve que leur place est dans la nature, pas dans les appartements/maisons...Moi, je suis amoureuse des chats, j'ai toujours voulu en avoir et j'ai un peu forcé la main à mon mari, en adoptant un chat adulte à la SPA derrière son dos (pas bien, je sais)...4 ans plus tard Moka est devenu "un petit bébé à son papa" :))))) Quand je les vois roucouler ensemble, se câliner et se blottir l'un contre l'autre, je suis presque jalouse :)
Ah c'est trop sympa d'avoir un chat et Mika a l'air tellement bien chez vous. J'ai découvert le bonheur d'avoir un chat sur le tard, mais je ne regrette pas, à part pour mon canapé ;-) Et moi qui disais que jamais je n'habiterais chez mon chat, eh bien c'est loupé. Ahahah ! Et vive les chats :-)