M'abandonner à l'été

Même si je n’ai plus 15 ans.

Pur instant de joie durant mes vacances en Espagne, l’été de mes 14 ans.

La fatigue de juin a un goût particulier. Elle monte de jour en jour comme la température. Au début je ne veux pas l’entendre — Ça va aller, encore un petit effort —, et puis elle finit par m’éclater à la figure. Tout à coup mon corps dit “Stop, j’en peux plus”. Hier était un de ces jours. J’avais prévu de vous écrire une newsletter pleine de recommandations de livres, je voulais dresser un bilan de l’année… et j’ai calé.

— On entre dans l’été, on a tous envie de légèreté. Pourquoi tu ne nous parles pas plutôt de ta relation à cette saison ?, m’a suggéré Mark. Ses mots m’ont ouvert les yeux : piégée par mon tempérament besogneux, je me suis déconnectée du rythme des saisons. J’ai eu beau vendredi écrire sur mon vestiaire d’été, ma tête n’a pas suivi.

Hier soir, j’ai ressorti les diapos de mon père. Il faisait beaucoup de photos quand ma sœur et moi étions enfants, dans les années 1980-90. Il a numérisé les meilleurs clichés, j’en ai une sélection sur disques durs externes. Ces images-là ont été prises en 1990.

Comme tous les ans, on passait nos vacances en Espagne, près d’Alicante.

Il y a, dans ces photos, la quintessence de ce que j’aime en été :

Le soleil qui écrase jusqu’aux meilleures volontés, la fraîcheur de l’eau, le temps dilaté, les déjeuners de poisson frit au bord de la plage, les rues désertées à l’heure de la sieste.

Regarder ces images fait naître une bouffée de nostalgie, mais je n’idéalise pas non plus les étés de ma jeunesse, encore moins ceux de mon adolescence. Je raconte celui de 1990 dans mon livre L’âge bête. Mal dans ma peau, j’étais déprimée une minute sur deux. Deux mois de vacances, cela paraît gigantesque, interminable — le paradis pour un adulte — mais à l’époque cela signifiait aussi pas mal de jours à s’ennuyer au centre aéré quand on n’était pas en colo (mon père avait son bureau à la maison, il avait besoin de calme pour travailler).

Chaque âge a ses joies et ses soucis, ses avantages et ses contraintes.