De beaux lendemains

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Lettre à un.e ado qui voudrait devenir journaliste de mode

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Lettre à un.e ado qui voudrait devenir journaliste de mode

Puisqu’on me demande souvent des conseils.

Géraldine Dormoy
Feb 17
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Lettre à un.e ado qui voudrait devenir journaliste de mode

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Lundi dernier, j’ai répondu aux questions d’Inès, 15 ans. Elle souhaite devenir journaliste de mode. Au fur et à mesure que j’égrenais mes recommandations, j’ai repensé aux autres fois où des ados m’ont consultée. Voici, en substance, ce que j’aimerais transmettre à la jeune génération, fruit de ma propre expérience.

Commence dès maintenant à te forger ta culture mode

Ça a été mon plus gros atout. Je n’ai pas attendu de faire mon Master à l’Institut Français de la Mode pour m’intéresser à l’histoire des couturiers. Très tôt, j’ai dévoré les magazines, guetté les défilés et les reportages à la télé, emprunté des livres à la bibliothèque municipale.

Ne sois pas qu’une consommatrice. Lis la presse économique, renseigne-toi sur les parcours des directeurs artistiques, des dirigeant.es, des entrepreneurs, écoute des témoignages de professionnels.

Ne te limite pas à la mode d’aujourd’hui. La mode se vit au présent mais elle est cyclique : tu as énormément à apprendre de son passé. Tu as sûrement déjà vu The True Cost, mais regarde aussi les premiers docus de Loïc Prigent, plus acides que ceux qu’il fait aujourd’hui sur sa chaîne YouTube. Lis Beautiful People d’Alicia Drake, L’irrégulière d’Edmonde Charles-Roux, Yves Saint-Laurent de Laurence Benaïm. Connais tes classiques.

Fais-toi l’œil. Intéresse-toi aux photographes qui ont marqué leur époque, aux films qui ont cherché à capter l’esprit du milieu (Funny Face, Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, Les yeux de Laura Mars, Prêt à porter, Zoolander, Le diable s’habille en Prada, The September Issue…) ou qui sont devenus cultes pour leurs costumes (Breakfast at Tiffany’s, Belle de Jour, Annie Hall, L’année dernière à Marienbad, Bonnie and Clyde, n’importe quel Hitchcock).

N'attends pas non plus pour commencer à écrire

La presse écrite va mal et plus personne ne lit une critique de défilé, mais je suis convaincue que le monde de demain continuera d’avoir besoin de plumes pour écrire sur les vêtements. Entraîne-toi, dans ton journal ou sur les réseaux sociaux. Exprime ton point de vue dès maintenant.

Instagram n’est pas qu’une plateforme à selfies. Des légendes bien troussées, des vidéos au montage percutant peuvent t’aider à affuter ton regard et à te faire remarquer. Pas forcément par des millions de gens. L’important n’est pas de devenir populaire mais de commencer à discuter avec des gens qui s’intéressent aux mêmes choses que toi. Parce qu’ils vont t’apprendre plein de choses et que ce seront tes premiers lecteurs. Tu leur devras pour cette raison le plus grand respect.

N’oublie jamais que la mode est avant tout un business

Elle cherchera toujours à vendre plus. C’est dans sa nature, même quand elle raconte le contraire. Pour paraphraser Pierre Bergé, il y a beaucoup d’artistes dans la mode mais la mode n’est pas un art. Intégrer cette réalité t’épargnera bien des déconvenues.

Prépare-toi à des conditions de travail éprouvantes

Comme tous les secteurs à paillettes, la mode attire plus de monde qu’elle ne peut en accueillir. Il y règne un esprit de compétition qui n’invite guère à la bienveillance. Il y a des exceptions, en particulier quand on s’éloigne du luxe et de Paris, mais l’essentiel de l’industrie étant encore centralisé dans la capitale, autant te prévenir…

Le microcosme parisien est ultra snob. Tu y es jugée en permanence, par des gens qui n’ont souvent pas besoin de travailler pour vivre. Ça, personne ne te le dit. Tu ne découvres qu’au détour d’une conversation que ton interlocutrice attachée de presse n’a pas de loyer à payer parce que ses parents possèdent l’immeuble et qu’elle passe ses week-ends à Biarritz avec des potes du milieu qu’elle connaît depuis l’enfance, ils étaient ensemble à l’école alsacienne.

Pour toutes ces raisons, beaucoup de jobs dans la mode sont mal payés, mais les apparences sont trompeuses. L’anthropologue Giulia Mensitieri parle très bien, au micro du podcast Thune, du gouffre qu’il peut y avoir entre looks griffés et niveau de vie précaire.

Pour couronner le tout, la mode attire des personnalités qui accordent une importance pathologique à l’image. La quête éperdue de minceur peut rendre fou. Sur les défilés, les tenues sont chics mais les attitudes manquent d’élégance. Beaucoup de professionnels du secteur portent en eux des blessures d’égo que le milieu ne cesse de raviver. Cela n’est pas vraiment propice à une atmosphère de travail fluide et efficace. Dans la mode, on aime l’urgence, le drame, l’excès. Un cocktail explosif qui fait beaucoup de fashion victimes.

Malgré tout, ne laisse personne te décourager avant d’avoir tenté ta chance

Car la mode n’est pas que cela. Elle n’est pas peuplée que de divas et de drogués. Ce n’est pas qu’un monde de souffrance et d’illusions perdues. C’est aussi un royaume d’artisans, d’érudits, d’esthètes qui se réfugient dans le beau avec une passion qui force l’admiration. Un univers à part, fermé, bourré de codes, mais riche de mille savoir-faire et traditions, habité par des personnalités hors du commun qui font voir la vie autrement. Je n’ai jamais regretté d’y avoir travaillé. J’ai savouré chaque défilé, chaque interview, chaque reportage. Mais je m’y étais soigneusement préparée.

Pour cela, fais des stages. Beaucoup. Dès que possible. Sans faire le/la difficile car tu apprendras partout. Petits créateurs, DNVB (marques nées en ligne), grandes enseignes, géants du luxe, multiplie les incursions. Explore toutes les fonctions, toutes les cultures. Ces premières expériences professionnelles, souvent ingrates, te seront essentielles. Elles auront valeur de test : est-ce que tu te sens bien dans cette atmosphère ? Est-ce que tu prends plaisir à passer du temps avec ces gens ? Elles te permettront aussi de découvrir d’autres métiers moins visibles que le journalisme.

Durant ces quelques jours, semaines ou mois en entreprise, sois ouvert.e aux rencontres et aimable avec tout le monde. Croiser le chemin d’une seule personne peut changer ton parcours. Et dans ce milieu plus qu’ailleurs, le réseau pèse plus lourd que les diplômes. Veille à laisser un bon souvenir partout où tu passes.

« Soyez une bonne éponge. » Tel était le conseil d’un prof à l’IFM. Observe, intègre, mais apprends aussi à ne pas tout absorber, au risque de te perdre en route. Trouve ton équilibre ailleurs. Va boire à d’autres sources. Fréquente d’autres milieux. Ne place pas la mode au centre.

Enfin et surtout : demande-toi quelles sont les vraies raisons pour lesquelles tu veux faire ce métier. Toutes sont valables, mais en avoir conscience t’aidera à trouver ta place dans ce qui ressemble quand même, il faut bien l’avouer, à un cirque.


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Des liens pour aller plus loin

Le bulletin luxe quotidien d’Éric Briones sur LinkedIn

Planneur stratégique touche-à-tout, Éric Briones propose chaque matin à 8h son analyse de l’actu luxe. Le plus croustillant ? Ça ferraille sec dans les commentaires.

Parcours de coach

Dans ce podcast, David Eugène Marion tend le micro à des coachs professionnels qui contribuent à l’évolution du métier. La singularité des approches et des parcours m’aide à mieux saisir la complexité de cette profession.

Les mini tenues de @miniverselle (via @_whereisthecool_magazine_)

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Sur quelle plateforme aller plus loin dans nos échanges ?

Vous le savez, ce que j’aime par-dessus tout, c’est discuter avec vous. Ces derniers mois, avec le développement de mes cours en ligne, je m’interroge sur la meilleure façon de prolonger nos discussions. Il y a Instagram, LinkedIn, cette newsletter, les groupes WhatsApp. Cet article du Washington Post me donne envie d’aller plus loin, même si j’ai conscience que la multiplication des outils peut donner le tournis. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Sarah et Sarah m’ont interviewée

Dans sa newsletter Tous les matins du monde, Sarah Braun m’a interrogée sur mon adolescence à l’occasion de la sortie de mon livre.

Dans son podcast Sans pluie par d’arc en ciel, Sarah Pébereau s’est intéressée à mon expérience du cancer du sein.


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Bon week-end !

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26 Comments
Aurore Massonnaud
Writes Les mots d'Aurore
Feb 17Liked by Géraldine Dormoy

J'ai relu 5 fois cette phrase : "Sur les défilés, les tenues sont chics mais les attitudes manquent d’élégance", tellement elle est à la fois belle, impactante et juste.

Merci pour cette news hebdomadaire que je dévore à chaque fois !

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2 replies by Géraldine Dormoy and others
Eve Ducroq
Feb 17Liked by Géraldine Dormoy

Bravo, déjà c’est extrêmement bien écrit. Et très intéressant que l’on soit ado ou pas ado ou que l’on ait envie ou non d’être journaliste

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1 reply by Géraldine Dormoy
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