Aujourd’hui, peu de choses sur terre me procurent autant de plaisir que le franchissement d’une librairie. L’odeur du papier, l’atmosphère feutrée, la vue des rayonnages me mettent dans le même état d’excitation joyeuse que Topshop ou Ladurée il y a dix ans. Les librairies sont mes nouveaux lieux de perdition. Les livres sont devenus ma drogue, les libraires mes charmants dealers. A priori, cette addiction est positive, mais mon tempérament boulimique fait que j’ai du mal à m’arrêter. Résultat : je dépense trop et j’empile chez moi des ouvrages qui, passée l’ivresse de l’achat, me font culpabiliser. Car évidemment, je lis beaucoup moins vite que je n’achète ma came.
Cela dit, les choses évoluent. Il y a quelques années, j’étais en plein tsundoku, terme japonais désignant les personnes qui achètent des livres de manière compulsive sans les lire. Mon « syndrome de la pile à lire » avait atteint de telles proportions que j’ai fini par réagir. Pour recommencer à lire, je me suis mise à disséminer des livres dans toutes les pièces de la maison, je me suis autorisée à en commencer autant que je voulais, à ne pas les finir, ne pas les compter, ne pas juger leur qualité littéraire. Je n’ai plus écouté que ma curiosité. Dans le même temps, j’ai pris mes distances avec mon téléphone portable, mes mails, Instagram. Toutes ces actions combinées ont porté leurs fruits, comme je vous le racontais déjà l’automne dernier.
Je me suis remise à lire, mais pas autant que j’aurais voulu. Les piles ont continué de grandir, distillant honte et frustration. Je n’aimais pas mon attitude consumériste. Je voulais acheter en conscience, puis m’accorder le temps de me nourrir des ouvrages acquis.
Cet été, ma newsletter du dimanche est née de ce désir d’une lecture profonde et réfléchie. Je l’ai pensée pour mettre les livres au centre de mon travail. Pas toutes les semaines mais le plus souvent, j’y synthétise un ouvrage qui a constitué pour moi une ressource. Un ouvrage que j’ai donc lu, apprécié, digéré.
Ce nouveau rendez-vous a bouleversé mes habitudes. En termes de lecture, ma stratégie a marché : je continue de lire trop lentement à mon goût, mais je m’accorde plus de temps pour le faire, car je considère désormais cette tâche non plus comme un loisir mais comme un travail. Le plaisir est d’autant plus vif que je suis en paix avec ma conscience (avant, je culpabilisais de me poser pour lire) et que je lis dans des conditions d’étude (crayon à la main, face à mon ordinateur), ce qui facilite ma mémorisation.
En termes d’achat, j’ai rationnalisé mon approche. Les livres sont devenus mes outils de travail. Je me laisse toujours autant porter par ma curiosité, mais j’ai maintenant un rythme à tenir. Et comme je ne sais rien faire sans enthousiasme, les ouvrages dont je parle ne peuvent être que d’authentiques coups de cœur. Ces impératifs requièrent une organisation particulière.
La gestion des recommandations constitue la première étape. Je suis ouverte, mais difficile à accrocher. Peu de livres parviennent à me tenir en haleine jusqu’au bout. Il me faut donc beaucoup de recommandations pour espérer terminer suffisamment d’ouvrages. J’ai longtemps rêvé que des proches, des libraires ou un algorithme devinent ce qui me plairait, mais ce n’est jamais arrivé. Je comprends l’engouement pour les book clubs, mais l’idée d’en fréquenter un me laisse perplexe. Il me semble avoir des goûts trop spécifiques pour y trouver mon compte. Heureusement, je vous ai vous, mes lectrices et lecteurs ! Vous me connaissez si bien et nous avons tant d’affinités que vous êtes devenus, au fil des ans, mes plus grands prescripteurs. Je note chacune de vos recos, qu’elle m’arrive via Instagram, par mail ou par le groupe WhatsApp Matières à réflexion*.
En revanche, toutes les recos n’arrivent pas jusqu’à mes listes. C’était le cas avant, d’ailleurs je n’avais alors qu’une seule liste, que je parcourais toujours à l’arrache. Elle était si peu structurée que j’avais du mal à m’y retrouver. Cet été, j’ai remis mon système à plat. Après avoir testé plusieurs supports – carnet, note d’iPhone, tableau Excel, Google Doc – j’ai décidé que je préférais tenir mes listes sur Word. J’ai un doc « Liste de romans à feuilleter » et un autre « Liste de livres de non-fiction à feuilleter ». À côté de ces deux listes, j’ai ma « Feuille de route », la liste des thèmes que j’aimerais aborder dans ma newsletter du dimanche.
Quand on me recommande un titre, ou quand un livre attire mon attention dans la presse ou dans un podcast, je le note dans le mini-carnet que j’ai toujours avec moi. Puis, quand j’ai le temps, je vais voir en ligne s’il est effectivement susceptible de me plaire. Si c’est le cas, je l’ajoute à la liste « romans » ou « non-fiction ». S’il correspond à l’un des thèmes de ma feuille de route, je l’ajoute là-bas aussi.
Je mets régulièrement à jour ces trois documents, surtout la liste de non-fiction. Les titres y sont rangés par genre (philosophie, développement personnel, psychologie…), afin de gagner du temps plus tard, en librairie. Ensuite, au sein de chaque genre, je range les titres par ordre d’intérêt. Tout cela me permet de clarifier mes priorités et de me réjouir à l’avance de mes lectures à venir.
J’ai aussi trié mes bibliothèques. Il y avait des livres partout, entreposés de manière anarchique. Maintenant, dans mon bureau, juste à côté de moi, j’ai une étagère pour les livres en cours de lecture, une autre pour les livres que j’envisage de traiter en newsletter, une autre encore pour ceux qui ont déjà servi à l’écriture de textes, mais qui demeurent mes références et que j’ai donc besoin de garder à portée de main. D’un coup d’œil, je sais où j’en suis.
Ce travail en amont me permet d’arriver beaucoup mieux armée en librairie (emprunter des livres à la bibliothèque ne me convient pas, j’ai trop besoin d’annoter, puis de relire certains ouvrages). Une fois le seuil du magasin franchi, plutôt que de me laisser happer par les sirènes des nouveautés, je dégaine mes listes – accessibles depuis le Cloud sur mon téléphone. Je me délecte alors de ma sélection, mais n’embarque pas tout ce qui me plaît pour autant. Je me suis en effet fixé une ultime règle d’autorestriction « anti-impulsion » : aucun achat après un premier feuilletage. Même quand un livre me plaît, j’attends de voir s’il supportera le test d’un second passage en revue. De toute façon, entre deux descentes en librairie, mes priorités et mes envies auront évolué.
« L’autolimitation est une nécessité moderne, écrit Anna Lembke dans Un monde sous dopamine (éd. Eyrolles). Elle crée un espace entre désir et consommation. » Je crois que j’ai enfin trouvé le mien.
*Ouvert aux personnes qui ont suivi au moins un de mes ateliers payants ou qui ont souscrit à un abonnement annuel à ma newsletter.
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Les livres étant ma passion numéro 1, quel plaisir de lire cette lettre. J'adore connaître les méthodes des autres.
De mon côté, prendre du temps pour lire est presque sacré et rares sont les jours où je ne lis pas... et j'ai la grande "chance" de lire vite donc j'engloutis beaucoup de livres à l'année.
J'ai décidé que ma PàL à la maison ne doit pas dépasser le nombre de livres que je suis capable de lire en un an (70/80) = en gros, j'ai droit d'entreposer un an de livres, pas plus (même si c'est pas tout à fait exact et que je ne lis aucun des livres que je possède dans l'ordre, certains sont dans ma pile depuis 5 ans tandis que d'autres ressortent aussi vite qu'ils sont rentrés).
En plus de cette pile j'ai aussi une wishlist que j'adore consulter. Je la mets très souvent à jour selon si un livre continue de me donner envie 6 mois après l'avoir noté ou si, au contraire, je l'ai oublié. Bon, il doit y avoir 200 livres en attente..... Le combat est perdu d'avance !
Je suis aussi tsundoku et je souffre d’un manque de temps chronique, j’ai dans ma pile à lire un livre de Tony Buzan ( grand vulgarisateur du Mind mapping) sur la lecture rapide et ne désespère pas d’y trouver une solution…
Mais j’espère bien ne jamais perdre ma curiosité envers les livres !
Merci pour le partage de ton organisation !
Et bonne lecture à tou.tes