Depuis notre arrivée à Montélimar en juillet 2021, nous dînons à 10 une fois par semaine. Mes parents, ma sœur, mon beau-frère, leurs trois enfants, Mark, Gustave et moi. Il n’y a aucune obligation, rien n’est figé, souvent l’un des couples est pris ailleurs, mais quand même, en général, le samedi soir, on se reçoit à tour de rôle.
Avant d’emménager dans notre grande maison, nous vivions dans un petit appartement à Clichy. J’aimais y recevoir des amis, mais ça se limitait à des dîners à 4 ou, les grands jours, des buffets pour 12. Je ne savais pas ce que c’était que de préparer un repas assis pour 10. J’ai pas mal cafouillé et ça arrive encore, mais avec l’entraînement est venue une forme de fluidité. Cette fluidité s’explique par la combinaison de trois éléments : des règles évolutives, des points non essentiels sur lesquels j’ai lâché, des points cruciaux sur lesquels je n’ai au contraire pas transigé. Pour plus de clarté, je vais essayer de vous les énumérer étape par étape.
Les courses
Avant : j’achetais trop. Du côté de ma mère, je viens d’une famille où un repas réussi est un repas où l’on s’est explosé la panse. D’où, dès le moment des courses, une légère pression. « Y aura-t-il assez ? » est chez nous une question récurrente, même quand le frigo déborde.
Aujourd’hui : je ne sais plus quand le changement s’est amorcé. Il est récent. Un jour, j’en ai eu assez de ne même pas chercher à viser juste. J’ai déclaré qu’au dîner suivant, je réduisais les portions et prenais le risque que l’on reste sur sa faim. Tout le monde a rigolé… et trouvé mon dîner fort digeste.
La cuisine
Avant : conditionnée par des schémas sociaux millénaires, je partais du principe que ma valeur de maîtresse de maison se mesurait à ma capacité à « étonner mes invités ». Mes expérimentations culinaires n’allaient pas bien loin, mais je m’achetais quand même régulièrement des livres de recettes, je suivais pas mal de comptes alléchants sur Instagram et passais un temps non négligeable à me demander ce que j’allais faire de nouveau à manger, puis à essayer, derrière les fourneaux, de reproduire ce qui m’avait plu en photo.
Aujourd’hui : comme ma grand-mère paternelle, j’ai admis que faire la cuisine ne m’intéresse pas. Que j’ai mieux à faire. Que ça n’est pas mon truc. Que je veux que ça aille vite et que tout soit prêt avant que mes invités n’arrivent. Une phrase pour cela a été très libératrice : un jour où mon temps était particulièrement compté, j’ai déclaré que le dîner serait un pique-nique. Mes proches ont approuvé – qui n’aime pas les pique-niques ? Depuis, je ne leur fais plus que des pique-niques, et le menu ne varie plus : crudités à l’apéro, quiche ou cake salé accompagné de pommes de terre et salade verte, un seul fromage, un seul dessert. Ça a sérieusement allégé ma charge mentale. En revanche, les fruits et les légumes sont ultra frais, la viande vient de chez le boucher, le gâteau est fait maison ou vient du meilleur pâtissier de la ville. Car contrairement à ma grand-mère paternelle, je n’aime pas cuisiner mais j’adore bien manger.
La préparation de la table
Avant : débordée, je mettais le couvert à la hâte au moment où mes invités arrivaient. Il me manquait toujours quelque chose : un verre à cocktail, une fourchette, des assiettes à dessert.
Aujourd’hui : nous nous sommes organisés. Mark dresse la table, Gustave donne un coup de main, chacun sait ce qu’il a à faire. Notre chorégraphie est bien rodée. Par ailleurs, au fil des vide-greniers, je me suis équipée. J’ai assez de verres et d’assiettes pour assurer un banquet – mais toujours pas assez de fourchettes car je ne sais pas lesquelles acheter en complément de notre service existant.
Les enfants
Avant : quatre mouflets de 8 à 12 ans, ça corse l’affaire. Dès le départ, on a convenu de les installer sur une table à part, la plus loin possible de nous – ils font tant de bruit que si on pouvait les faire dîner chez les voisins, on ne s’en priverait pas. J’ai vite pris l’habitude de leur faire des pâtes – carbonara ou mac and cheese en gratin –, mais combiner le service des enfants et le service des adultes demeure un work in progress. Et tout le monde a beau vouloir m’aider, je refuse. En cuisine, c’est moi qui fais. Pourquoi ? Parce que c’est comme ça.
Aujourd’hui : la situation se complique encore depuis que j’ai affaire à trois préados. « J’ai faim » m’ont-ils lancé en chœur samedi dernier à 22h, une heure après être sortis de table. Si l’ajustement des portions est réglé chez les adultes, ça reste un terrain mouvant chez les plus jeunes.
L’apéro
Avant : je passais tellement de temps à terminer la préparation du dîner parents/enfants que je manquais le début des conversations (même avec une cuisine ouverte). Une fois assise, je voulais profiter de mon Gimber. Affamés, mes invités se bâfraient de saucisson et de noix de cajou en attendant la suite.
Aujourd’hui : consciente que ma tablée débarque avec les crocs, je prépare un maximum de choses à l’avance. Dans l’après-midi, donc. J’ai renoncé à faire autre chose ce jour-là. Encore et toujours cette idée de retirer plutôt que d’ajouter. Plus détendue et plus présente, je vois quand les verres sont vides et qu’il est temps de dîner.
À table
Avant : après quelques discussions pour la forme, nous finissions toujours – au mépris des règles de savoir-vivre les plus élémentaires – par nous assoir les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Ma mère, ma sœur et moi avions tant de choses à nous dire que nous avions besoin d’être proches physiquement pour nous raconter nos vies. Quand il nous arrivait de mener une conversation à six, un sujet politique finissait par surgir, et avec lui les risques d’accrochage.
Aujourd’hui : même si nous nous entendons tous bien, il a fallu mener une vraie réflexion collective pour procéder aux changements qui s’imposaient. Nous sommes passés à un plan de table alternant un homme-une femme. Nous privilégions désormais une conversation unique et évitons soigneusement les sujets qui fâchent. Au-delà de ces mesures, chacun veille à faire du dîner familial un moment agréable. Marqués par les accrochages passés, nous avons conscience que l’équilibre est fragile et qu’il repose sur des efforts communs. J’ai par exemple réalisé que ces repas me frustraient car j’en attendais trop. J’espérais des discussions profondes, ce qui est quasiment impossible quand on est six à table. Depuis, j’essaie de voir aussi mes proches en plus petit comité durant la semaine. Pas toujours facile dans ma vie bien remplie, mais j’y arrive peu à peu : je vais à l’aquabike avec ma sœur, je passe boire un verre chez mes parents le dimanche.
La fin du repas
Avant : plus le dîner s’éternisait, plus le risque pour moi de basculer dans la compulsion alimentaire grandissait. Je ne me l’expliquais pas. Je constatais seulement que, tout à coup, je « tombais » dans le paquet de chips ou le panier de fruits et engloutissais ce qui restait.
Aujourd’hui : j’ai compris que je n’aime pas rester longtemps à table. Engouffrer un paquet de chips, c’était chercher (vainement) à avaler ma fatigue, mon ennui et ma honte de ressentir de l’ennui aux côtés de ceux que j’aime. Depuis, dès les premiers signaux, je me lève et sers les cafés. J’essuie parfois quelques remarques mais je tiens bon : un dîner réussi est un dîner au sein duquel je me suis écoutée autant que mes invités.
Prochain atelier en ligne : comment faire de jolies images sur Instagram
Un atelier pour apprendre à ouvrir l’œil et photographier son quotidien.
« Je ne sais pas faire de photos » est une phrase que j’entends souvent lors de mes séances de coaching.
C’est une phrase que j’ai moi-même longtemps dite. J’étais convaincue que, pour faire un bon cliché, il fallait être photographe, ou au moins maîtriser la technique et Photoshop. Or la techno m’effraie et je ne comprends rien aux applis de retouche.
Ce n’est qu’à force de poster sur Instagram que j’ai pris confiance dans mes images.
Je continue de les trouver très imparfaites, mais elles touchent, elles provoquent des réactions, elles accompagnent ce que j’ai à dire.
« Pourquoi tu ne ferais pas un atelier pour aider les autres à faire de belles images sur leur compte ? » m’a soufflé une amie.
J’ai bien aimé l’idée de vous transmettre ce que la pratique m’a appris, mais également les connaissances que j’ai engrangées au fil de mes rencontres, observations, lectures.
J’abordais déjà ce sujet dans ma masterclass « Déployer son univers visuel », mais il s’agira cette fois de passer à l’action et de créer ses propres photos.
Vous venez ?
Le live se tiendra le mercredi 27 septembre de 19h à 20h30 sur Zoom.
1h de cours et d'exercices pratiques puis 30 minutes de questions-réponses.
Tarif 38 euros : live + replay permanent + support écrit + groupe WhatsApp reliant les participants.
L'art de dîner en famille
Encore une fois Géraldine, vous m"avez surprise par la qualité de votre réflexion et analyse de l'avant-après. Vous êtes impressionnante parce que je ne pensais pas qu'il y avait tant à dire sur les repas familiaux.
Vous m'avez étonnée par votre capacité à décider et appliquer vos règles (ex dîner pique-nique... ce que je n'aurai même pas osé imaginer...car pour moi, un pique nique, c'est assis sur le sol et non attablés (pensées limitantes... ou environnement montagnard). Je n'aurai pas non.plus imaginé réduire les portions... il faut dire que mon beau-père à un sacré coup de fourchette !!! 😉
J'admire aussi la capacité de votre famille à s'être retrouvée ainsi sur Montélimar et à se réunir chaque semaine. Chose improbable de mon côté avec mes parents en Touraine et trois sœurs dans le Sud Ouest ou en région Rhône-Alpes.
Mais quelle doit être votre satisfaction de voir que le plaisir est toujours présent chaque semaine au moment des retrouvailles !
N'est-ce pas ça justement être une "vraie" famille, c'est à dire un espace où il fait bon se retrouver, où chacun.peut s'exprimer en se respectant et en respectant l'autre ?
Bon dîner demain ... j'aurais une pensée pour vous.
J'aime beaucoup ces capsules hebdomadaires, la variété des sujets, la façon de les raconter, la profondeur dans la légèreté ou l'inverse... Bravo et merci Géraldine.