« Tu es trop dans le contrôle, tu ferais mieux de lâcher prise », m’écrit-on souvent, sur Instagram ou par mail, en réaction à une newsletter. Ce jugement et ce conseil me déconcertent. Comment autrui pourrait-il savoir mieux que moi ce que je devrais faire ? Dans de tels moments, je repense à ce passage d’Avoir le courage de ne pas être aimé, quand le philosophe explique que « dans les relations interpersonnelles, tous les problèmes proviennent du fait que les gens empiètent sur les tâches des uns des autres. »
Non seulement cet empiètement est désagréable, mais la pression qui en résulte m’a déroutée par le passé. Je craignais tellement que l’on me traite de controle freak que je réfrénais mon goût pour la discipline. On me reprochait d’être au régime ? Je me lâchais et mangeais (trop). On moquait mon planning minuté même le week-end ? Je me « laissais vivre » et me retrouvais à déprimer sec le dimanche soir, regrettant de ne pas avoir fait ce qui, à la réflexion, s’avérait important pour moi.
Avec le temps, j’ai appris à m’affranchir de ces recommandations. J’ai aussi compris qu’elles n’avaient pas vraiment de sens. Le contrôle est mal vu, mais heureusement qu’au quotidien, la plupart des humains contrôlent leurs pulsions. Si chacun se laissait aller, la vie en société deviendrait infernale.
Cela dit, je comprends pourquoi ce conseil est si fréquent. Il est le reflet d’un constat que l’on a tous fait : le contrôle, souvent, ça ne marche pas. Ce peut être parce que cela concerne quelque chose d’extérieur à moi-même, sur lequel je n’ai effectivement pas de prise. Dans ce cas, je repense aux Stoïciens et j’essaie, comme Épictète le recommande, de renoncer à agir sur ce qui ne dépend pas de ma volonté. Ce n’est pas toujours facile. En ce moment par exemple, je réfléchis beaucoup à l’attitude à adopter face à mon fils qui a des difficultés dans une matière, à l’école. Je ne veux pas empiéter sur sa tâche, c’est lui qui doit décider s’il travaille ou pas, car c’est lui qui en paiera les conséquences. Plutôt que de lui « mettre la pression », j’essaie de l’accompagner en me sentant concernée, en l’écoutant, en proposant mon aide. Quand ça ne suffit pas, je lâche… quitte à ressentir une forme d’impuissance.
Parfois, cela concerne un état intérieur sur lequel a priori j’ai une prise. Mais j’ai beau vouloir maîtriser mon comportement, je n’y arrive pas. C’est le paradoxe du contrôle. Je contrôle, et la pulsion surgit malgré tout. Je mange quand même, je dépense quand même, je perds quand même mon temps, je m’énerve quand même. Mais cela ne veut pas dire qu’il vaudrait mieux lâcher. Ce n’est pas tant « Je contrôle ou je ne contrôle pas » que « J’essaie de contrôler, en sachant que je ne peux pas complètement contrôler. » Je ne suis pas dupe. J’ai conscience que le jeu a ses limites. J’essaie de ne pas être dans la résistance absolue, car je sais à quel point elle peut être contre-productive.
L’explorateur Bertrand Piccard en parle très bien. « Il y a deux aspects très contradictoires dans le contrôle, analysait-il en 2014, dans ce génial épisode de Partir avec Marie-Pierre Planchon. D’habitude on essaie de contrôler la vie, et ça on ne peut pas la contrôler, parce qu’elle ne nous appartient pas. C’est impossible de contrôler ce qui nous arrive. Par contre, on peut se contrôler soi-même. Ça ne veut pas dire être complètement névrosé, rigidifié et contrôler tout ce qu’on fait, tout ce qu’on dit, tout ce qu’on pense, mais contrôler sa conscience de soi. Être en relation avec soi-même. » Adepte des voyages en ballon, il sait que le contrôle a ses limites. À bord, « On est emporté par le vent et on ne peut pas diriger les vents, expliquait-il. Donc la seule manière de faire, c’est d’accepter que c’est le vent qui est le plus fort, et ensuite d’utiliser le vent à différentes altitudes pour trouver différentes trajectoires. »
Je ne voyage pas en ballon, mais moi aussi j’ai appris à utiliser plutôt que combattre. Dans certains domaines bien précis – mon alimentation, mon temps, mes finances – je ne ménage pas mes efforts pour essayer d’exercer mon contrôle. Cela me permet d’avancer… tout en sachant ça ne marche pas à tous les coups. J’accepte l’incontrôlable.
Replay de mon atelier “Trouver son flow pour créer dans la joie”
Créer ne coule pas de source pour moi, mais je m’améliore. La pensée de Mihaly Csíkszentmihályi sur le flow – ou expérience optimale – m’a tellement intéressée que j’ai conçu un atelier sur ce thème. Le live a déjà eu lieu, mais le replay est disponible sur mon site au tarif de 42 euros. Il s’agit du dernier volet de mon programme Focus sur l’essentiel, après un premier atelier « Cultiver son pouvoir de concentration » et un second « Repenser ses habitudes ». De quoi vous rendre, je l’espère, plus conscient.e et plus serein.e.
J’ai 2 réactions à la lecture de ta newsletter : 1/pour moi, les tentatives de contrôle (discipline etc) ne sont peut-être pas toutes efficaces mais elles ont le mérite de faire avancer plus rapidement les objectifs de ceux qui les pratiquent ✨ et 2/ les conseils de lâcher prise total viennent souvent de personnes qui ne savent pas procéder à l’inverse (et donc se contrôler) ;)
Une bonne dose de contrôle est selon moi nécessaire pour conserver sa santé mentale dans une économie axée sur la gratification immédiate. Mais c’est un problème vieux comme le monde, pensons au mythe d’Ulysse et des sirènes, cité par Anne Lembke dans son livre « Un monde sous dopamine ». Je te le conseille. Il m’a aidé à comprendre le mécanisme cérébral qui déclenche les compulsions alimentaires, les achats excessifs, l’addiction au smartphone et aux réseaux sociaux. Nous ne sommes pas tous égaux face à la dopamine. Et nous n’avons pas non plus tous les mêmes ambitions! Pour moi le contrôle est paradoxalement libérateur, car il me redonne le pouvoir de choisir ce que je veux faire de ma vie.