Pourquoi ai-je écrit L’âge bête ? Il y avait un faisceau de raisons, mais la première, la plus impérieuse, c’est qu’il y avait des trucs pas réglés qui m’encombraient, que je ne comprenais pas et dont je ne voulais plus. Dans certaines situations, je rejouais des scènes contre mon gré. J’étais de nouveau la petite fille craintive qui redoute d’être exclue du groupe. Je n’en pouvais plus de revenir malgré moi à ce schéma. Pour me rassurer, à 46 ans comme à 16, j’avais besoin de la protection d’une amie que j’estimais meilleure que moi. Je ne voulais plus non plus de cet ascendant qui me faisait perdre mon libre-arbitre. J’accordais à cette figure un pouvoir démesuré. J’étais dans des projections qui m’éloignaient de la réalité… et de moi-même. C’était ma liberté qui était en jeu.
J’ai démarré le livre avec cette idée, puis tant d’autres sont venues, j’ai tiré tant d’autres fils, que j’ai perdu de vue cette volonté première.
Mais mon inconscient a continué de bosser. Les scènes passées ont surgi sur le papier. L’amitié fondatrice, fusionnelle et déséquilibrée, est devenue un sujet que j’ai pu ausculter avec une distance inédite. Je ne suis pas sûre d’avoir plus compris ce qui s’est joué il y a trente ans, mais le fait est qu’une fois le livre terminé, ma place par rapport aux autres avait bougé. Je me suis éloignée de certaines amies, rapprochée d’autres. J’ai brisé des schémas.
C’est une chose d’avoir conscience de répéter une situation. C’en est une autre d’avoir une prise dessus et de se mettre à agir autrement. D’oser sortir du cadre. C’est peut-être ça prendre de l’âge. Faire la paix avec celle qu’on a été, mettre de la distance entre elle et nous, accepter de la laisser partir. Rejouer ce qui a besoin d’être rejoué et décider des changements de scénario. Identifier les moments qui coincent, les habitudes qui ne conviennent plus, et dire stop. Cesser de jouer le jeu. Faire comme dans La Rose pourpre du Caire ou Peggy Sue s’est mariée, traverser l’écran, les époques et mes névroses pour changer l’histoire.
Je relie cela à mon rapport à la nourriture. Manger m’a aidée à compenser. Manger a été ma consolation. Je cédais, je ne suivais pas mes désirs profonds, je me taisais, je taisais mes émotions, mes pulsions, cela générait des frustrations mais manger me permettait de les taire. Jusqu’à perdre conscience de leur existence. La nourriture a longtemps été pour moi la solution à tout.
Revenir en arrière m’a aussi permis de rejouer des scènes en rapport avec la nourriture, et là encore de choisir de faire autrement. De ne pas tomber dans les mêmes pièges. De ne plus fuir. D’oser me confronter aux situations et aux gens. De réaliser que je n’avais plus besoin de la béquille de la nourriture. Que manger m’empêchait de ressentir et d’agir.
J’ai perdu dix kilos depuis que j’ai terminé le livre. Dix kilos de compromis avec moi-même. De tergiversations, de souvenirs mal rangés, d’émotions trop lourdes. Le poids d’un passé mal digéré.
Je ne me laisse plus étouffer. Je ne me soumets plus. Je ne me place plus en-dessous des autres. Je respecte davantage mes besoins, mon espace. Je me le dois. Je le dois à la jeune fille que j’étais. Elle me regarde. Nous sommes reliées.
Ma prochaine masterclass
Parce que lire mon livre a donné envie à certaines d’entre vous de se reconnecter avec leurs propres souvenirs, je vous propose la masterclass « Revenir sur son adolescence pour s’épanouir aujourd’hui », mardi 6 décembre de 19h à 20h30 sur Zoom, inscription 35 euros (live + replay 30 jours).
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Merci infiniment Géraldine!
C’est magnifique !
Et cela me parle tellmt…!
A bientôt
Sylvie
merci pour votre newsletter. Tout résonne :-) et le texte et vos supers recos !