Je me demande souvent à quelle fréquence les Français lavent leurs draps. J’aimerais connaître le vrai chiffre, pas le résultat d’un sondage Ifop où les sondés se surestiment (comme dans les enquêtes sur leurs habitudes sexuelles). En même temps, ce chiffre serait si effarant qu’il vaut sûrement mieux ne pas savoir. Dans les années 80, une statistique sortie de je ne sais où avait fait grand bruit : les Français n’utilisaient qu’une brosse à dents pour six personnes. C’était absurde, drôle, peut-être vrai, comment savoir ? À Récré A2, l’émission culte pour les enfants de ma génération, Cabu avait dessiné une ribambelle de gens utilisant la même brosse à dents à tour de rôle. J’en avais gardé l’idée que les Français n’entretenaient pas une relation très claire avec la propreté.
J’ai ma propre brosse à dents, mais j’avoue que je ne lave pas mes draps aussi souvent que je le souhaiterais. Pourtant, au départ, je suis assez exigeante en matière de linge propre. Je change de t-shirt et de sous-vêtements tous les jours, je lave ma serviette de bain tous les deux-trois jours. Sans parler du linge de table : j’utilise un torchon par repas et mets chaque soir les serviettes de table au sale.
Mais avec le linge de lit, tout est plus compliqué, plus long, plus pénible. En été, cela passe encore, surtout depuis que l’on habite une maison dans le sud et que l’on peut compter sur un séchage rapide en plein air. Mais à partir d’octobre, il faut de nouveau caser leur lavage et leur séchage entre les machines de vêtements, sans compter la gymnastique requise pour défaire puis refaire le lit. Cela représente une charge mentale considérable, et nous ne sommes que trois personnes dans la maison. Pourquoi n’en entend-on pas davantage parler ?
Probablement parce que les draps sont un sujet intime. On y dort, on y fait l’amour, ils ne regardent que nous. Et puis ils touchent à l’hygiène, un thème peu discuté, et sont historiquement l’affaire des femmes, à qui l’on n’a longtemps pas donné la parole. J’ai pourtant souvent une pensée pour les lavandières ou la Mère Denis quand j’étends mes draps. J’ai conscience que l’on revient de loin. Si j’ai aujourd’hui le temps de travailler, c’est parce qu’une machine fait la lessive à ma place.
Malgré ces avancées, changer les draps me prend encore beaucoup trop de temps pour le faire une fois par semaine – mon idéal. J’ai toujours mieux à faire, voilà tout. Vous me direz, et Mark dans tout ça, ne peut-il pas s’en charger ? Eh bien non. Chez nous, la répartition des tâches ménagères, très équitable, est le résultat de discussions, d’observations, d’arbitrages. Nous avons convenu, il y a plusieurs années et pour de multiples raisons, qu’il était préférable que je gère nos draps. Lui s’occupe d’énormément d’autres choses dans la maison, à commencer par les draps de son fils (on patiente encore un peu avant d’exiger que notre ado s’en charge lui-même, il faut savoir choisir ses combats).
D’habitude, je les change une fois par mois. Après avoir lu vos commentaires à mon post Instagram sur le sujet, j’ai bien compris que c’était moins souvent que certaines d’entre vous. J’assume. Avec le tourbillon de la rentrée, on doit même arriver à cinq semaines. Je ne m’en vante pas, je n’en ai pas honte non plus. Je suis sûre que c’est pire ailleurs, et assez indifférente à ce que vous pouvez en penser. Si je me suis promis de changer nos draps ce soir, après l’envoi de cette newsletter, c’est parce que ça me gêne, moi.
Car voyez-vous, en dépit de tout ce que je viens de vous écrire, j’adore me coucher dans des draps propres. Et beaux aussi, tant qu’à faire. Je les choisis avec le plus grand soin. Par goût, mais aussi pour des raisons pratiques : on ne tourne qu’avec deux parures et elles nous durent dix ans. Le cost per wear est imbattable, mais on n’a pas intérêt à s’en lasser trop vite.
Après avoir longtemps dormi dans des draps Habitat (indestructibles), à notre arrivée à Montélimar j’avais passé une énorme commande chez Bonsoirs. Le genre de commande qu’on ne passe qu’une fois dans une vie (dans la mienne en tout cas) : deux parures pour notre lit, deux autres pour le lit de la chambre d’amis – toujours mon côté tout ou rien. Une opératrice de cette marque plutôt haut de gamme m’avait appelée pour me demander s’il s’agissait d’un achat professionnel, pour une maison d’hôtes peut-être ? Non, non, avec Mark on avait juste envie de s’offrir le luxe de dormir enfin dans des draps en lin de qualité.
On n’a jamais regretté l’achat de ces draps en lin. Dormir au contact d’un tissu aussi doux et aussi léger est une expérience en soi. Tous nos invités nous en parlent. Le problème, c’est que, pour nous, je n’ai finalement pris qu’une paire en lin, car j’aimais aussi les draps en percale de coton rayé, jolis et moins chers. Grave erreur. Ils sont beaux et durables, mais quand on a goûté au lin, on ne veut plus que cela. Voilà aussi pourquoi je butte sur le changement de nos draps ces jours-ci : je sais qu’avec le temps humide, je ne pourrai pas faire sécher mes draps roses chéris dans la journée, et que l’on devra donc se taper des semaines de draps moins doux. #lesvraisproblèmes
Avec Mark, quand on en a ras-le-bol de nos histoires de draps, on se refait le home tour de Carine Roitfeld pour AD (le reel Instagram ci-dessous). Peu de choses sur terre ont le pouvoir de me détendre autant que cette vidéo collector, où l’ancienne rédactrice en chef de Vogue s’y montre involontairement comique. À la fin, elle déclare que faire son lit est si compliqué qu’elle dort dans un sleeping bag. « I have two. One for summer, one for winter. I roll them up, finished, in the placard and that’s done. » [« J’en ai deux. Un pour l’été, un pour l’hiver. Je les roule, fini, dans le placard et c’est fait. »] L’espace d’un instant, on se dit qu’on n’a qu’à faire pareil, allez hop, « Finished, in the placard » les draps à changer ! Et puis on repense au plaisir charnel de beaux draps propres, et je me décide enfin à faire ce que j’ai à faire. D’ailleurs, je vous laisse, le devoir m’appelle.
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Bon week-end,
Géraldine
Depuis que j’ai déménagé aux US, j’ai adopté leur façon de faire le lit, c’est à dire utiliser un drap plat sous la couette. L’avantage est de pouvoir changer les draps et les oreillers plus souvent et d’utiliser la couette comme un édredon et ainsi laver moins souvent la housse de couette, couette que je préfère à une couverture car moins lourde. Le lit est ainsi moins contraignant à refaire. J’ai aussi un sèche-linge désormais, ce qui facilite leur séchage incontestablement.
Bonsoir,
J'avoue partager votre amour des draps propres, mais je ne vis pas la gestion comme une charge mentale. Peut-être parce que vivant en Seine et Marne, je n'ai souvent pas d'autre choix que les faire sécher dedans 😅
En revanche, au risque de vous choquer, les serviettes de tables font la semaine, tous les torchons (mais nous en utilisons plusieurs)