Un monde sous dopamine, le livre qui déconstruit les mécanismes de l’addiction
Ce best-seller a changé mon regard sur mes compulsions alimentaires.
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Certains livres que je lis deviennent des doudous. Au fur et à mesure que je tourne les pages, je m’y attache physiquement. Un monde sous dopamine* m’a fait cet effet. Je l’ai commencé juste avant de partir en Suisse. Je l’avais acheté des semaines plus tôt. Je le regardais comme on attend une récompense. Ce serait ma lecture de voyage. Je savais qu’il me plairait et qu’il serait important pour moi. J’en avais entendu du bien et le sujet de l’addiction me concerne de près : même si j’ai fait des progrès dans mon rapport à la nourriture, mon tempérament compulsif continue de me demander beaucoup d’efforts. En ce moment, je dois chaque jour lutter contre des envies de trop manger. Tout ce qui peut me faciliter la vie dans ce domaine m’intéresse.
Les premières pages m’ont pourtant fait douter. L’autrice, Anna Lembke, est une psychiatre américaine de renom, responsable d’un centre spécialisé dans les addictions à Stanford. Son style d’écriture est à la fois rigoureux et accessible, mais je me suis demandé si son propos ne serait pas trop tourné vers les États-Unis, tant il évoque la dépendance aux opioïdes, qui font là-bas des ravages majeurs. J’ai vite été rassurée. Elle évoque bel et bien tous les types d’addiction, qu’elle définit ainsi : « Consommation d’une substance ou pratique (jeux de hasard, jeux vidéo, sexe) continue et compulsive qui cause du tort à autrui ou à soi-même. » Et ses histoires de patients sont si accrocheuses que je me suis laissé embarquer. Certaines m’ont glacée d’effroi, mais elles sont racontées avec tant d’humanité qu’elles provoquent quand même l’identification. Fine pédagogue, Anna Lembke s’en sert pour nous expliquer les mécanismes de l’addiction.
Tout part de la dopamine. Je dois donc commencer par la définir. Comme d’habitude avec les notions neuroscientifiques, c’est un peu abstrait, mais ça vaut le coup de s’accrocher : comprendre le fonctionnement de notre cerveau offre une grille de lecture de nos comportements.
La dopamine est un neurotransmetteur, c’est-à-dire que cette molécule sert de messager chimique entre les neurones. Notre cerveau compte plein de types de neurotransmetteurs. La dopamine, elle, est impliquée dans le processus de la récompense, en particulier dans ce qui nous motive à rechercher la récompense. Elle intervient plus dans son anticipation que dans sa satisfaction. Quand j’entre dans une librairie, que je me mets à table ou que je prends le train pour Paris, mon cerveau déclenche un afflux de dopamine.
En soi, la dopamine n’est pas mauvaise, bien au contraire. Sans elle, on ne se nourrirait pas, on ne se reproduirait pas. Pendant des millénaires, la poursuite du plaisir a assuré notre survie. Le problème réside dans le fait que notre fonctionnement est adapté à un monde de rareté. Notre cerveau n’est pas conçu pour notre monde actuel débordant de promesses de plaisirs immédiats – des réseaux sociaux au porno, en passant par la nourriture, le shopping, le jeu ou bien sûr, les drogues. Ces stimuli provoquent de tels déferlements de dopamine qu’ils nous submergent. Notre équilibre interne est rompu, ce qui enclenche la dépendance.
Plus une substance ou un comportement libère de dopamine dans le circuit de la récompense du cerveau, et plus cet afflux est rapide, plus la dépendance créée sera forte.
Les scientifiques utilisent donc la dopamine pour mesurer le potentiel addictif de ces comportements et substances. À titre d’exemple, l’amphétamine, la substance active dans le speed, augmente la libération de dopamine de 1000%. Le chocolat augmente la libération de dopamine de 55%, le sexe de 100%, la nicotine de 150%, la cocaïne de 225%. Surexcité, notre cerveau en veut toujours plus, nous rendant esclaves d’une surconsommation compulsive effrénée.
Pour s’extraire de ce cercle vicieux, Anna Lembke propose de partir des personnes les plus atteintes. « Qui de mieux placé pour nous apprendre à éviter la surconsommation excessive que ceux qui y sont le plus vulnérables : les personnes qui souffrent d’une addiction ? Traités et considérés pendant des milliers d’années dans toutes les cultures comme des dépravés, des parasites, des parias et des vecteurs de turpitude morale, ils ont développé une sagesse en phase avec notre époque. »
Voici les cinq clés que j’ai retenues du livre :