Melanie Griffith alias Tess McGill dans Working Girl.
« Il va falloir que tu fasses plus de chiffre d’affaires. » Le jugement, sans appel, est tombé il y a quelques semaines. Il venait d’une personne de confiance à qui j’osais enfin montrer les comptes de ma société. Ce que j’entreprenais obtenait des résultats encourageants, mais encore insuffisants. Pour être viable, mon activité devait se développer, et vite.
D’habitude, quand je stresse – en général, pour un texte à terminer –, cela se traduit par un sentiment de panique. Ma vue se brouille, je crois que je vais me noyer, je me lamente auprès de Mark. C’est désagréable mais si fréquent que bon, je me contente de traverser le truc.
À cet instant, c’était différent. Le stress est monté en moi comme une lame de fond. Je l’ai reconnu : il était de la même nature que celui que j’avais ressenti à l’annonce de mon cancer. Un effroi sourd et profond, qui rend très calme et très concentré. Un signal d’alerte qui dit que l’heure est grave et qu’il est temps de mobiliser toutes ses ressources.
« Avec ta présence en ligne, tu devrais pouvoir décrocher beaucoup plus de partenariats », a ajouté cette personne. Les premières collaborations se passaient bien, il fallait juste appuyer sur le champignon. Je venais de prendre une agente. J’aurais pu la laisser se débrouiller seule, mais il y avait urgence et je sentais qu’elle avait besoin de mon implication pour que ça marche.
Or j’avais des freins. J’étais convaincue de ne pas être une bonne commerciale, de ne pas savoir me vendre, de ne pas être assez « business ». J’avais progressé en trois années de free-lancing, j’étais capable de promouvoir mes cours en ligne et mon coaching Instagram avec enthousiasme, mais cela n’impliquait pas de relations avec des marques. J’avais soigneusement contourné la question de la monétisation de mon influence. M’engager dans cette voie aurait impliquer de prendre des risques, de négocier ma valeur, de m’exposer aux critiques de ma communauté. Autant de choses que je me félicitais d’avoir pu éviter jusque-là.
Un réflexe de survie m’a soudain fait voir la situation différemment : je m’étais enfermée dans des croyances limitantes qui m’empêchaient de me déployer. Si je continuais comme ça, j’allais dans le mur, comme en 2007. Je m’étais alors déjà essayée à l’indépendance. L’expérience s’était avérée si peu concluante qu’un an et demi plus tard, lorsque L’Express avait proposé de m’embaucher, j’avais sauté sur l’occasion avec soulagement.
La vie, facétieuse, me replaçait face à mon conflit non résolu. Et cette fois, je ne me défilerai pas. J’étais plus mûre, plus expérimentée, plus sûre de mes choix. Je ne voulais pas redevenir salariée. Je tenais à la voie dans laquelle je m’étais engagée. J’allais m’accrocher.
Ce wake-up call m’a galvanisée. Je me suis mise à envoyer des messages que je n’aurais jamais osé envoyer un mois plus tôt. Certaines portes se sont ouvertes, d’autres sont restées closes. Je ne m’en suis pas offusquée. J’avais oublié qu’avant de devenir journaliste, j’avais longtemps été chargée d’études marketing. Je concevais des argumentaires qui aidaient des commerciaux à vendre de l’espace publicitaire dans des magazines. Leur pugnacité m’impressionnait beaucoup. À l’époque, je ne me serais jamais imaginée capable d’une telle assurance. Mais les circonstances n’étaient plus les mêmes : j’avais besoin de gagner ma vie et je croyais en moi. J’étais convaincue que certaines marques avaient intérêt à travailler avec moi, et j’allais le leur prouver.
J’ai pour cela appris à travailler plus efficacement avec Laurence, mon agente. Je n’attends plus tout d’elle, mais j’ose davantage la solliciter quand j’estime que c’est nécessaire. Nous exploitons de mieux en mieux nos complémentarités, inventons nos propres façons de faire.
Contre toute attente, j’ai réalisé que j’aimais prospecter, discuter, comprendre une problématique, proposer des idées. Il ne s’agit pas tant de vendre que de brasser de l’humain. Saisir les enjeux, les attentes, les non-dits. Composer avec des caractères, des vulnérabilités, des contradictions. Faire preuve d’empathie, sans me perdre en route.
Mon objectif reste le même : créer un cadre qui nous permettra de continuer de cheminer ensemble. Partager avec vous ce qui me fait vibrer afin que, peut-être, cela vous aide à vous exprimer à votre tour, que ce soit à travers l’écriture, votre compte Instagram, un vêtement ou de la déco. Quand je montre ma tenue dans mon reel matinal, je reçois en retour des messages de lectrices qui me disent que ma quête de style nourrit la leur.
Quelques-unes me reprochent la « marchandisation » de mon compte Instagram. Lorsque j’en ai le temps et le courage, je leur explique que ma liberté est à ce prix, que je ne viens pas d’un milieu qui me mettrait à l’abri du besoin, que ma sécurité financière dépend de mon travail. Je précise que les collaborations que je mets en place servent mon propos, que les marques avec lesquelles je m’associe sont dignes de confiance, que leur soutien me permet de créer sereinement des contenus auxquels elles ont accès gratuitement.
Cela dit, je ne suis pas au bout de mes peines. Changer de croyances à 47 ans n’est pas de tout repos. J’apprends un nouveau métier, avec ce que cela implique d’erreurs et de doutes. Mais je ne me suis jamais sentie aussi vivante.
Conférence en ligne « Comment se faire éditer »
Vous avez un projet littéraire et rêvez d’en faire un livre ? Mercredi prochain, Sophie Rouanet, directrice éditoriale chez Robert Laffont et éditrice de mes deux ouvrages, Un cancer pas si grave et L’âge bête, vous transmet ce qu’il faut savoir pour mettre toutes les chances de votre côté.
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Mercredi 28 juin 2023 de 19h à 20h30 sur Zoom
Live + replay permanent + support écrit : 38 euros
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Mon podcast coup de cœur : Jérôme Garcin dans À voix nue
J’adore Le masque et la plume, j’adore À voix nue, rien de très surprenant donc à avoir apprécié cette série d’entretiens avec celui qui anime chaque dimanche depuis 37 ans l’émission culte de France Inter. Mais si je vous en parle, c’est parce que je l’ai plus qu’appréciée. Jérôme Garcin prend l’exercice au pied de la lettre. Il se livre, et c’est bouleversant. « Écrire, c’est célébrer », dit-il. L’écouter m’a donné envie de le lire.
C est sure tu vas trouver une bonne formule et des nouvelles ideas 💡 :) 💪
super bon sujet , bravo Geraldine !