Quatre ans après tout le monde, je me suis enfin mise à vendre des vêtements sur mon compte Vinted. J’en connaissais le fonctionnement : j’avais écrit un mode d’emploi, du temps où j’étais journaliste mode à L’Express. J’avais à l’époque (très bien) vendu un sac afin d’expérimenter le service, mais n’avais pas renouvelé l’essai. Des amies m’avaient découragée : ça prenait un temps fou, les utilisatrices étaient pénibles à vouloir négocier les prix. Mes vêtements, je préférais les donner, les envoyer à recycler dans une borne du Relais… ou les laisser prendre la poussière dans mon armoire.
Jusqu’à ce que plusieurs d’entre vous, il y a quelques jours, me convainquent de refaire une tentative. Je planchais sur un sujet Noël pour Marie Claire. Il y était beaucoup question de cadeaux mieux choisis, et plus généralement d’achats et de vente en seconde main. « Avec ma sœur, à Noël et aux anniv’, on s'envoie nos favoris Vinted », m’a raconté Hélène. « J’aime l’idée que les vêtements dont je n’ai plus l’usage puissent être utiles à d’autres », m’a écrit une abonnée. Ces phrases ont servi de déclencheur. Les usages avaient changé et moi je restais bloquée. Soudain, je n’ai plus supporté l’idée que des fringues que je ne porte plus ne servent à rien et s’abîment chez moi alors qu’elles pourraient faire la joie de quelqu’un d’autre.
À cela s’ajoute le fait que, depuis notre déménagement dans le sud, des vêtements que je ne porte plus, j’en ai beaucoup. Avec le recul de l’année écoulée, le constat est sans appel : je suis moins en représentation, ma garde-robe s’est simplifiée, je privilégie le confort. Luxe suprême, j’ai aussi un dressing plus spacieux qui me permet d’avoir une vue d’ensemble de mon vestiaire. Les pièces qui dorment me sautent aux yeux.
Avant de me lancer, je me suis posé la question du risque de me débarrasser de quelque chose que je pourrais regretter. Ça m’est arrivé un nombre incalculable de fois par le passé. Je pleure encore une robe Erotokritos en jersey de soie verte, cadeau de Mark, abandonnée lorsque j’étais enceinte, convaincue que je ne pourrais plus jamais entrer dedans.
Mais la semaine dernière, je me suis souvenu d’un point fondamental dans mon rapport aux vêtements : j’ai régulièrement besoin de changer de peau. Je mue comme un serpent, et dans ces moments, je ressens une forme d’urgence, mon histoire avec certains vêtements est terminée, il me faut m’en défaire. Avant, je me contentais de les ranger hors de ma vue en espérant un retour en grâce qui ne venait jamais. Aujourd’hui, les garder à portée de main me fait réaliser qu’ils me pèsent.
Cette prise de conscience m’a soulagée : je me suis rendu compte qu’en fait, mon histoire avec la robe Erotokritos s’était achevée depuis longtemps. Cette robe appartient à une période de ma vie aujourd’hui révolue, celle d’avant la naissance de mon fils. Et ce n’est qu’en vous écrivant ces lignes que je réalise à quel point la symbolique du geste était forte : elle était imprimée de papillons.
J’ai aussi compris que, contrairement à beaucoup de monde, je n’ai pas un attachement éternel à mes vêtements. Cela tient peut-être à mon environnement familial : ma mère ne m’a pas transmis de vêtements de sa jeunesse, ce n’est pas sa culture, et je n’ai pas de fille. Je vis de véritables romans d’amour avec des blazers, des robes, des chaussures, mais quand c’est fini, c’est fini.
D’où mon coup de balai, démarré dimanche dernier. J’avais envie de faire les choses bien : j’ai consacré tout l’après-midi à prendre des photos. Je tenais à montrer les pièces portées sur moi plutôt que posées sur des cintres car ça aide à s’imaginer dedans et à en apprécier le tombé. Cela représente dix fois plus de boulot mais ça m’amuse : ça me fournit une occasion de jouer avec mon image et ça amorce l’interaction avec une future acheteuse. Car ma motivation principale se niche là : ces vêtements que j’ai tous aimés (au moins au moment où je les ai achetés), je souhaite qu’ils soient adoptés par une personne qui les chérira à son tour. J’ai donc envie de les leur transmettre dans les meilleures conditions possibles. Ce n’est pas rien un vêtement. J’en connais la valeur. Je sais ce qu’il faut de créativité pour les inventer, d’efforts et de ressources pour les fabriquer. Et puis c’est chargé d’histoires et d’énergies. Je ne veux pas de rupture complète, je me vois comme une passeuse.
Alors je les photographie, je les décris, je les estime. Je veux m’en débarrasser vite, j’ai donc tendance à fixer des prix légèrement au-dessous de la moyenne du marché. Sauf quand l’affectif s’en mêle. Cette blouse Vuitton à l’imprimé Stephen Sprouse, la seule pièce que je n’ai pas encore vendue, j’ai vraiment du mal à la brader. Je pourrais la mettre sur Vestiaire Collective, mais je préfère l’interface fluide et l’esprit populaire de Vinted.
J’adore prendre trois heures le week-end pour me consacrer à une tâche qui me détend tout en me rapportant de l’argent. Ça apaise mon anxiété naturelle et ça m’allège. Me désencombrer, encore et toujours.
Et puis il y a l’aspect communautaire. Quel kif de plonger dans un nouveau réseau social ! Observer les usages, identifier les codes, saisir les spécificités. En bonne débutante, je fais plein d’erreurs, c’est inévitable. Cela enrichit quand même ma culture digitale. J’aborde Vinted comme un terrain de jeux, un lieu d’apprentissage. J’apprécie sa mécanique bien huilée, le monumental défi logistique relevé.
Je prends plaisir aux échanges, même quand ils sont réduits au strict minimum. « Les questions ne te saoulent pas ? », m’a demandé une lectrice. Non, car je les trouve légitimes. Souvent, elles surgissent quand mon descriptif est trop flou. Ou alors la personne a besoin d’un ressenti : « Pensez-vous que la blouse [taille 38] pourrait convenir à un 40 au niveau de la poitrine ? » Je comprends ces interrogations. En magasin, je suis la cliente infernale qui hésite des heures. J’ai aussi toujours adoré vendre des vêtements, sur les brocantes, durant mes stages.
J’aime également ce qui entoure les transactions. Une fois la pièce vendue, j’ajoute des trucs dans l’enveloppe : des nougats et une carte postale avec un petit mot sur le vécu du vêtement. J’ai besoin de ce surcroît d’humanité. Les porter au point relais pourrait apparaître comme une corvée, mais l’excitation de voir mes habits partir pour Beauvais, Barcelone ou Gand compense le temps que cela me prend. Depuis que j’ai parlé de mon compte Vinted sur Instagram et que ce sont vous, mes lectrices, qui me les achetez, mon plaisir est encore plus profond : de nouveaux liens se créent, cette circularité me comble.
Alors évidemment, tout cela prend du temps. Pour éviter d’en faire une charge mentale – et parce que je connais ma tendance à m’investir à fond dans une nouvelle obsession pour la lâcher peu de temps après (cf mon jardin) – je l’envisage comme un hobby ponctuel. Je me fais une ou plusieurs sessions d’affilée, puis je laisserai probablement reposer. De toute façon, je n’ai pas tant de choses que cela à proposer.
Vendre sur Vinted n’en bouleverse pas moins ma façon d’acheter. Comme plusieurs d’entre vous, j’aborde désormais mon budget vêtements différemment, ne m’autorisant à acheter une nouvelle pièce qu’avec l’argent de mes ventes, et vérifiant sur Vinted que le vêtement convoité n’est pas disponible en seconde main avant de l’acquérir neuf. Pour le moment, je n’ai pas encore rien acheté sur la plateforme. Quelques résistances me retiennent encore. Peut-être plus pour longtemps…
Mon deuxième livre, L’âge bête, est paru le 20 octobre dernier aux éditions Robert Laffont. J’y revisite mon adolescence. Merci pour vos premières réactions ! Vous pouvez vous le procurer ici.
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Bon week-end,
Géraldine
C’est drôle vous êtes même citée dans une annonce vinted ! https://www.vinted.fr/femmes/vetements/robes/robes-dete/21928074-robe-vintage-texturee-blanche-lyon-paris
Pour moi, aucun intérêt de passer du temps à vendre si peu cher, je préfère donner sur l’application Geev (c’est très rapide et on peut avoir un véritable échange IRL) ou dans une borne Relai (si le vêtement n’est pas en très bon état). Le réel intérêt de Vinted, à mon avis, est d’acheter en seconde main, c’est ce qui me permet de ne plus du tout acheter de neuf depuis 4 ans et d’ailleurs je trouve plus facilement qu’en boutique. Je reconnais avoir fait quelques erreurs d’achat, toutefois sans grand impact, compte tenu des prix pratiqués. Avant Vinted, j’achetais chez Emmaus et en dépôt vente mais que de temps passé à ne pas trouver grand chose !