Coller des photos dans un cahier
Les Rencontres d'Arles ont relancé mon envie d'archiver mes photos.
Bichonnade, rue Cortambert, 1905 - Jacques-Henri Lartigue
Il y a 20 ans, une rétrospective Jacques-Henri Lartigue au Centre Pompidou m’a beaucoup marquée. On pouvait y admirer les monumentaux albums du photographe. Toute sa vie était là, documentée et ordonnée avec un soin maniaque. Les tirages, de tailles variées, avaient été agencés jusqu’à atteindre une forme d’harmonie parfaite.
Album de 1903 de Jacques-Henri Lartigue
À côté, quelques mots en lettres bâtons indiquaient des noms, des dates, des détails techniques. L’ensemble avait un charme fou, dont vous pouvez juger vous-même : incroyable mais vrai, l’intégralité des 126 albums est accessible en ligne. En les redécouvrant, je comprends mieux pourquoi La Famille Tenenbaum est mon film préféré : Wes Anderson est une sorte d’arrière-petit-fils spirituel de Jacques-Henri Lartigue.
Plus tard, la découverte du travail de Peter Beard fit vibrer en moi la même corde sensible. Le photographe réalisait ses clichés en Afrique, les femmes qu’il montrait étaient plus olé olé, son écriture plus torturée, le résultat moins ingénu, mais l’obsession était la même : retenir le temps à travers une œuvre hybride mêlant photo, écriture et papier.
Peter Beard, éditions Taschen
Ces deux sources d’inspiration m’ont à la fois sidérée et inhibée : je suis dévorée par l’envie de m’exprimer avec les mêmes outils, mais si admirative de mes maîtres que je ne me suis jamais vraiment investie. J’ai fait des tentatives… qui n’ont rien donné. Je mettais toujours trop de temps pour me décider à imprimer les photos, je n’avais jamais le bon format de cahier, je n’osais pas écrire ce qui me passait par la tête à côté des images. Blocages à tous les étages.
J’en étais là quand j’ai vu l’expo Scrapbooks, dans l’imaginaire des cinéastes, samedi dernier aux Rencontres d’Arles. Des cahiers de collages y étaient présentés, conçus par des metteurs en scène pour préparer leurs films.
Détail d’un scrapbook de Bertrand Mandico présenté à l’exposition de l’Espace Van Gogh
Sur le moment, cela ne m’a pas fait grand-chose. En dehors d’Agnès Varda, je ne connaissais quasiment aucun des réalisateurs, et dans bien des cas il s’agissait uniquement de reproductions, pas de vrais cahiers. Fétichiste, j’ai besoin de voir l’objet-carnet pour m’emballer.
Mais il y avait tout de même quelques beaux spécimens. Les jours suivants, j’ai réalisé que ce foisonnement visuel avait réactivé mon envie, et que peut-être, cette fois, les derniers verrous sauteraient. Il me fallait pour cela raisonner autrement que je ne l’avais fait jusque-là. Partir de mes usages plutôt que de ce que je voyais chez les autres.
Aujourd’hui, ce qui me porte, c’est écrire mon journal et faire des photos avec mon téléphone. Je n’en montre qu’une partie sur Instagram. Pour le moment, je ne fais rien des images que je prends pour moi. Je compte en imprimer certaines, j’ai même un dossier spécial pour cela, mais je le fais rarement.
C’est à ce moment, alors que nous étions encore à Arles, que l’idée de me procurer une petite imprimante photo a surgi. J’avais déjà maintes fois envisagé cette acquisition, mais j’avais toujours craint des résultats décevants et un coût trop élevé. Cette fois, je me dis que la situation est différente. Que la technologie a peut-être suffisamment évolué pour offrir des résultats corrects (je suis preneuse de vos recommandations !). Que cela nécessiterait un investissement financier, mais que je n’imprimerais pas non plus toutes mes photos chez moi, qu’il s’agirait d’un prolongement de l’écriture de mon journal : je voudrais m’offrir la possibilité de sélectionner chaque matin ma photo de la veille, l’imprimer moi-même sans attendre, la coller dans mon carnet et l’intégrer à mon processus d’introspection.
Ne choisir qu’une seule image serait très important.
Ah oui parce que je ne vous ai pas dit : cette semaine, j’ai aussi écouté via le podcast Vision une super interview de la photographe Dolorès Marat, un de mes coups de cœur de ces Rencontres 2023. Or, à un moment, elle conseille aux étudiants en photo de classer régulièrement leurs images. Pour cela, à la 54e minute, elle leur suggère de « faire des boîtes ». Évidemment, c’était plus facile du temps de l’argentique, quand on utilisait de vraies boîtes, mais son conseil fonctionne aussi avec des fichiers numériques. « Au bout d’un mois, vous choisissez dans votre boîte la photo du mois. Une photo, celle que vous préférez, et vous la mettez dans une autre boîte. Et tous les mois vous faites ça. Au bout d’un an vous allez avoir 12 photos. Dans ces 12 photos, vous en choisissez une. […] Au bout d’un certain temps, vous allez avoir un truc d’enfer. C’est pour vous habituer à choisir. »
Moi, je veux faire comme Dolorès dit de faire, mais à raison d’une photo par jour, que je collerai dans mon journal. Ensuite, j’écrirai des trucs autour. Je ne sais pas encore quoi. Je trouverai. C’est en faisant qu’on trouve. Action !
Mes coups de coeur aux Rencontres d’Arles
Je vous les ai présentés en images sur Instagram :
Mon zoom sur 5 expos (dont Diane Arbus et 3 expos à l’espace Croisière, nettement plus intéressant que les années précédentes)
Mon avis sur l’incontournable expo Saul Leiter au Palais de l’Archevêché
Mon crush pour les photos qu’Ines Tanoira a prises de ses parents
Un reel sur les scrapbooks des cinéastes.
Bonnes adresses à Arles
Les miennes, testées et approuvées :
Hôtel Le Nord-Pinus, place du Forum
Depuis le rachat de l’institution par Maja Hoffmann, l’ambiance est moins familiale mais le charme opère toujours, l’emplacement est idéal (si l’on supporte le bruit de la rue) et leur système de navette est bien rôdé si vous venez en voiture.
Bistrot Le Mistral, 18 place Voltaire
Un accueil sans prétention, des plats honnêtes et de succulentes frites maison, à déguster sur l’une des plus charmantes places de la ville.
La mule blanche, 9 rue du président Wilson
Un autre restaurant accessible, tant en termes de prix que de réservation (avec Mark, on cherche plus de la simple comfort food que des adresses branchées et des créations recherchées).
Librairie Actes Sud, 47 rue du Dr Fanton
Pour l’ambiance, les couloirs labyrinthiques et la sélection de livres photo.
Moustique, 14 rue du Dr Fanton
Un concept store rempli d’objets de déco et d’accessoires de mode. Cette année encore on peut y admirer les tableaux brodés de Sandrine Torredemer, alias @la__filature sur Instagram.
La boutique sans nom de Christophe, 5 rue du Dr Fanton
Je vous en parle souvent dans mes reels du matin car plusieurs de mes robes viennent de chez lui. Sa sélection à prix doux vous garantit de trouver une jolie pièce pour votre été.
Fragonard, 7-9 rue du Palais
Cette boutique respire la joie de vivre au bord de la Méditerranée. Idéale quand on a un cadeau à faire.
État des lieux, 5 rue de l’Hôtel de ville
Je passe toujours un long moment à étudier la sélection d’objets design de cette boutique de déco. Cette année, j’ai résisté à l’appel de dix ustensiles de cuisine mais craqué pour un réveil.
Les totes bag des Rencontres, disponibles dans les boutiques du Festival
Un souvenir dont je me sers ensuite toute l’année, couleurs canons et super qualité.
La liste de vos recommandations
Merci à toutes pour vos contributions, en particulier à Anne-Claire Davy pour sa compilation, dont je reprends ici une grande part.
DORMIR
Le Collatéral
Hôtel de L’Amphithéâtre
Hôtel du Forum (piscine)
L’Arlatan
L’Hôtel du Cloître (petites chambres décorées par Indi Madhavi mais pas de clim’)
Ibis Styles du Palais des Congrès (piscine)
Christel, une lectrice, me signale également son appartement sur Airbnb.
MANGER
Réservation en ligne ou par téléphone indispensable l’été pour la plupart des établissements, même pour déjeuner.
Chardon (votre plus grand plébiscite, demander une table dans la cour intérieure, pas sur le trottoir)
Inari (cheffe Céline Pham, réserver 3 semaines à l’avance)
Mesa
La Cachette
Le Voltaire
Monstre
L’Épicerie du Cloître
Le VG (végétalien)
L’Épicier moderne
Le poulpe (sandwiches originaux)
Cuisine de Comptoir (tartines)
Mimosa
Drum Café et Le Réfectoire (Luma)
Glaciers
Arelatis
Soleileïs
En dehors de la ville
La Chassagnette (1 étoile Michelin)
Les cabanettes
La Téline.
Cette idée est canon! Je l’ai appliquée pendant plusieurs années grâce à une application sur mon iPhone qui malheureusement n’est plus mise à jour. Du coup j’ai arrêtée et j’en suis très malheureuse parce que parcourir une année en photo était pour moi source d’une très très grande joie.
L’appli s’appelait Collect.
Et je viens de m’apercevoir en voulant t’envoyer une capture d’écran que je ne peux même plus l’ouvrir…. Mes 3 ans de collections ont bel et bien disparu …. Ce que je craignais depuis que je me suis aperçue que l’appli n’était plus mise à jour ….
Je réfléchis depuis quelques mois à un moyen digital de reconstruire cet outil qui était pratique car tout se faisait sur le téléphone sans effort.
Sinon, j’ai aussi lancé le scrapboonking en France il y a 20 ans, lancé et développé une ligne de produits de papeterie créative (Toga) qui s’est vendue dans tous les magasins de loisirs créatifs. J’ai revendu la marque il y a 3 ans et malheureusement le repreneur n’a pas donné suite à l’essentiel de nos gammes. Nous étions 30 et on s’est bien amusés pdt ces 17 années a imaginer des produits pour garder trace de nos vies et de nos passions …
Merci Geraldine pour cette newsletter si inspirante ! J’ai beaucoup apprécié l’écoute du podcast et le choix d’une photo par mois / année.
Dans les restaurants à Arles, je te recommande Le Criquet, vraiment délicieux avec un accueil formidable ! Bon we✨