Illustration Roeqiya Fris (détail)
On me demande souvent si notre changement de vie a affecté mes relations amicales. Les mois qui ont suivi notre installation à Montélimar, en 2021, je balayais cette question d’un revers de la main : « Oh non ! Il y a le téléphone, et puis on trouvera toujours le moyen de se voir, je rentre régulièrement à Paris et les ami(e)s qui le souhaitent nous rendront visite dans le sud. » Je voulais croire que partir à 500km ne changerait rien.
Près de deux ans plus tard, je dois me rendre à l’évidence : les lignes ont bougé, je ne peux plus nier l’impact de la distance. J’ai beau revenir chaque mois trois jours dans la capitale, ce n’est pas suffisant pour voir toutes les personnes que j’aimerais voir. Avec celles qui habitent en région parisienne, cela va encore : les déjeuners s’espacent mais on peut espérer continuer de se voir plusieurs fois dans l’année. Les choses se corsent avec celles qui n’habitent pas ou plus à Paris non plus. On se loupe. Happées par le boulot, la vie de famille, le quotidien, on laisse s’écouler des mois sans se parler. Par moments, je me surprends, le regard perdu devant mon agenda Google transformé en Tetris, essayant de trouver de la place là où il n’y en a plus. Des liens se distendent, et cela me désempare.
Puis je me rappelle que j’ai déménagé pour m’éloigner. Paris m’étouffait. Trop de sollicitations, d’agitation, d’interruptions. Vieillir, pour moi, s’accompagne d’un besoin grandissant d’isolement. J’aspire au calme. Même mes parents et ma sœur doivent attendre le week-end pour espérer me voir. Durant la semaine, seuls Mark et Gustave pénètrent dans ma bulle. Et encore, je passe mes journées enfermée seule dans mon bureau. Déménager m’a réconciliée avec ma nature introvertie.
Mes ami(e)s ont dû s’adapter, et moi m’organiser. Les retrouvailles se vivent désormais en deux temps : dans des restos à Paris ou en week-end chez nous. Dans les deux cas, vie pro et vie perso fusionnent : je me surprends à parler boulot des soirées entières avec des ami(e)s, puis à inviter à la maison des personnes avec qui je n’avais jusque-là que des « relations de travail ». Dans ma vie de free-lance, tout se mélange et se nourrit.
Ces invitations à venir passer le week-end chez nous sont une révélation. Lorsque nous habitions à Clichy, notre appartement était si petit que même la mère de Mark devait dormir à l’hôtel lorsqu’elle débarquait d’Angleterre. À Montélimar, l’espace change tout. La « chambre d’amis » nous apparaît comme un luxe inouï. Cela dit, il nous a fallu des mois pour trouver nos marques. Combien de personnes accueillir pour que le plaisir reste entier ? Pour quelle durée ? À quel rythme ? Avec l’expérience, une formule s’est dessinée : la plupart viennent seul(e)s, arrivent par le train de vendredi soir, repartent par celui de lundi matin, et nous nous limitons à une visite par mois. C’est peu, mais notre équilibre en dépend.
Cette rareté nous incite à savourer pleinement chaque week-end. De nouveaux rituels sont nés : l’accueil à la gare, le pique-nique du vendredi soir car je n’ai rien eu le temps de préparer (j’étais trop occupée à boucler ma newsletter !), les petits-déjeuners qui s’éternisent, les balades au vert, les grandes tablées familiales, les dîners que je quitte tôt pour aller me coucher, laissant Mark et notre invité.e poursuivre leur conversation jusque tard dans la nuit.
La conversation, ce but ultime. Par moments, je me dis que je suis sur terre pour cela : papoter, écouter, raconter, confier, interroger. Avec mes ami(e)s, autour d’un bon repas, ces moments d’échanges font le sel de mon existence. Ces week-ends ensemble nous permettent d’interrompre, reprendre, approfondir une discussion sur plusieurs jours. Les perspectives changent, les problèmes se dénouent, les idées jaillissent. On se quitte joyeux, les liens resserrés de mille nouveaux souvenirs.
L’amitié semble alors couler de source. Elle est pourtant le résultat d’un apprentissage constant. Ma franchise me joue des tours. Il m’arrive de vexer, de heurter, de fâcher. J’essaie d’apprendre de mes erreurs. Mais plus le temps passe, plus il me semble que l’amitié est affaire de lâcher prise. Une relation ne se maîtrise pas. Je lui accorde l’espace et l’énergie dont je dispose. Parfois ça marche, parfois ça ne suffit pas. L’éloignement géographique agit alors comme un filtre, un révélateur, un accélérateur. On peut avoir de bonnes raisons de le redouter. Je préfère l’aborder avec curiosité : grâce à lui, je découvre copains et copines sous un nouveau jour.
Les recommandations culturelles des lectrices
Mes journées sont si denses en ce moment que j’ai du mal à jouer les têtes chercheuses. Heureusement, vous êtes là ! Voici la liste de ce que vous m’avez donné envie d’aller écouter ou regarder cette semaine :
Small Talk, par David Castello-Lopez pour Konbini – Des gens connus parlent de tout sauf de ce pourquoi ils sont connus
On ne peut plus rien dire : Comment faire famille autrement, par Judith Duportail, sur Binge Audio
Oussama le magnifique sur Nouvelles Écoutes : 10 ans de French Tech à travers les gloires et déboires de The Family et le parcours de son co-fondateur controversé, Oussama Ammar
Poutine, le tsar soviétique – série de Philippe Collin sur France Inter
Thune : Passion Arnaque ! Avec Audrey Chippaux, l’influenceuse qui traque les influenceurs
La Balado de Pauchon : saison 2, qu’est-ce qui vous rend heureux aujourd’hui ?
Sarah Bernhardt, pionnière du show business, en replay gratuit sur Arte jusqu’au 15 mai
Mes ateliers en replay
Ce que j’ai retenu de 3 ans d’activité en free-lance (38€, accessible en un clic)
Programme Comment réussir sa newsletter (35€ l’unité, payable sur virement ou via PayPal)
1- 10 conseils pour réussir son lancement
2- Comment augmenter son nombre d’abonnés
3- Comment durer : dans les coulisses de ma newsletter
Programme S’exprimer librement sur Instagram (220€ les 9 masterclasses ou 35€ l’unité)
MC1 – Oser se mettre en avant sur Instagram
MC2 – Définir sa ligne éditoriale
MC3 – Déployer son univer visuel
MC4 – Du selfie à l’autoportrait
MC5 – Compte pro, compte perso, quelle stratégie sur Instagram ?
MC6 – Tirer le meilleur parti des stories
MC7 – Comment développer une communauté Instagram à son image ?
MC8 – Comment promouvoir ses créations sur Instagram ?
MC9 – 10 exercices pour vous épanouir sur Instagram
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Je me retrouve dans vos mots précisant les limites autour des visites. Avec mon mari nous recevons beaucoup des gens de l’extérieur chez nous aussi. J’aime tant les conversations qu’on peut prendre et reprendre au cours de quelques jours. Mais ça me prend tellement de forces.
Une problématique bien connue des "expats"....d'autant que ceux que l'on aime, restés dans l'Hexagone, ont souvent du mal à comprendre ce que nous vivons (au mieux) ou s'en moquent (au pire)!
Après de nombreuses expatriations, même si mon carnet d'adresses s'est étoffé, je crois qu'à force, je sais distinguer assez vite les personnes qui resteront de simples relations, et celles qui deviendront importantes.
Toujours un grand plaisir de vous lire Géraldine depuis mon Congo profond.....je viens de terminer "L'âge bête" acheté lors de mon dernier séjour à Montélimar.....et je me suis régalée !